Madame Rachida Dati peut être satisfaite : sa justice a enfin condamné Lydie Debaine pour le meurtre commis sur sa fille née prématurée, lourdement handicapée, et dont les souffrances quotidiennes n’étaient pas soulagées. Le Parquet Général soutenu par la Ministre a bien travaillé, les apparences sont sauves pour quelques temps encore. La Secrétaire d’Etat à la solidarité, Valérie Létard, pourra continuer à communiquer sur les dizaines de milliers de places (non financées) qu’elle va créer dans les cinq ans qui viennent, présentées comme une panacée résolvant le délaissement et la détresse des familles dont l’un des membres est parfois conduit à commettre un geste irréparable : tuer dans un moment de désespoir le parent handicapé que l’on ne comprend plus, et dont on n’accepte plus les souffrances.
Cette détresse, cet isolement monstrueux, les jurés de la Cour d’Assises du Val d’Oise les avaient entendus et compris le 9 avril dernier, en acquittant Lydie Debaine. Ils ont vu une mère épuisée par une vie entièrement consacrée à une enfant pour laquelle il n’existait pas de structure de prise en charge. Certes, Lydie Debaine aurait pu abandonner son enfant à quelque institution mal adaptée, et poursuivre sa vie de femme et d’épouse. Elle a voulu pour sa fille une autre vie que le vide de l’institution, notre pays se distinguant par le très faible nombre d’établissements pouvant dignement accueillir des personnes polyhandicapées, dont l’état de santé se détériore avec l’âge. Dignement, c’est-à-dire en proposant autre chose qu’un maintien en survie. Lydie Debaine a donné de l’amour à sa fille, tant qu’elle a pu. Jusqu’à l’épuisement ultime qui l’a conduit à commettre un geste meurtrier. Le jury populaire du Val d’Oise a considéré que cet acte n’était pas pénalement condamnable, et a acquitté Lydie Debaine le 9 avril 2008.
Une décision insupportable pour le pouvoir politique qui a intimé l’ordre au Procureur de la République de réviser son avis : dans un premier temps, il avait indiqué ne pas vouloir faire appel de la décision. Il fallait obtenir la condamnation de Lydie Debaine dans l’intérêt de la loi, transformant un drame personnel dont les circonstances sont très spécifiques en affaire d’Etat. Une véritable volonté de fouler au pied un verdict populaire au moyen d’un autre, plus conforme à l’opinion imposée par les politiques.
Un pouvoir politique qui marche a contrario de son peuple. On vient encore de le constater sur le sujet délicat de la fin de vie : une majorité de citoyens affirment leur voeu d’une fin de vie digne, ils ne sont pas écoutés par des politiques qui manient l’amalgame entre euthanasie choisie et imposée, pour refuser le débat public et discuter en cercle restreint, et sans les écouter, de la vie des gens. Le deuxième rapport que le député UMP (et médecin) Jean Leonetti a récemment remis sur la fin de vie n’apporte aucune réponse à la détresse des personnes en fin de vie. On leur dit que la loi sur les soins palliatifs est mal connue, qu’il faut mieux informer les médecins sur le traitement de la douleur et poursuivre la vie au bout du bout sans respecter leur volonté consciente et réfléchie de mourir dignement, en abrégeant leur parcours de souffrance. Jusqu’à l’insupportable.
Laurent Lejard, décembre 2008.