Dès l’ouverture du « grand chantier présidentiel » en décembre 2002, l’ANPIHM avait exprimé son désaccord avec la vision gouvernementale de l’époque des questions liées aux personnes dites handicapées.

En effet, dès lors que le gouvernement avait fait volontairement le choix de falsifier les éléments de définition du handicap tels que les avaient retenus l’Organisation mondiale de la santé, il était évident que l’écriture de la loi, malgré les pressions positives du mouvement associatif, ne permettrait pas de satisfaire les attentes des personnes dites handicapées. De ce point de vue, au-delà des difficultés inhérentes à la mise en place d’un tel cadre législatif et réglementaire, le gouvernement actuel, est en train de remettre en cause ce qu’avait dû accorder le législateur le 11 février 2005 !

Il en est ainsi de l’amendement instaurant des dérogations pour le bâti neuf que le gouvernement a volontairement glissé dans la loi de finances rectificative pour 2009 et que le Conseil constitutionnel, suite à une réaction immédiate de quelques associations dont l’ANPIHM, vient de censurer. Au motif que cet amendement n’avait rien à faire dans une loi de finances, et après que le Conseil d’État ait cassé le décret du 17 mai 2006 et l’arrêté du 1er août 2006, suite au recours intenté avec succès par l’ANPIHM, portant sur les mêmes dérogations, au motif justifié que la loi du 11 février 2005 dite « Pour l’égalité des droits et des chances, la citoyenneté et la participation des personnes handicapées » ne le prévoyait pas.

Notons d’ailleurs que depuis cet arrêt, le gouvernement avait parfaitement le temps de proposer à la concertation du Mouvement associatif et des partenaires sociaux dans le cadre du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées, un projet de loi sur cette question. De surcroît, ledit Conseil tenait séance le 10 décembre 2009 en présence du Secrétaire général du Comité Interministériel du Handicap avec à l’ordre du jour l’examen d’un projet de décret concernant… l’Observatoire national sur l’accessibilité et la conception universelle !

Au lieu de cela, le gouvernement a préféré courageusement agir en catimini et même récidiver, en publiant un décret introduisant à nouveau la possibilité de dérogations, cette fois dans le cadre bâti neuf des locaux de travail, décret contre lequel l’ANPIHM, la FNATH et l’APF ont, ensemble, déposé un recours en annulation auprès du Conseil d’État. Car comment envisager une possible intégration professionnelle des travailleurs à mobilité réduite si l’on donne aux entreprises la possibilité de construire de nouveaux locaux inaccessibles à ces personnes ?

À présent, rien ne semble décidément arrêter le gouvernement, puisque de son propre chef et sans avoir sollicité au préalable le CNCPH, celui-ci vient de prendre la décision unilatérale de reporter la surcontribution des entreprises qui n’emploient pas de travailleurs handicapés. Le gouvernement veut reculer de six mois – et peut-être plus – l’échéance fixée au 1er janvier 2010 à partir de laquelle les entreprises qui n’ont fait aucun effort ces dernières années pour embaucher des travailleurs dits handicapées doivent connaître une augmentation – certes, importante – de leur contribution annuelle au Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées.

Cette dernière initiative a d’ailleurs été précédée par une autre qui a consisté à faire voter en première lecture à l’assemblée nationale, le 2 décembre 2009, une proposition de loi visant à « La simplification et l’amélioration de la qualité du droit » : son article 9 rend simplement « optionnel » le « plan personnalisé de compensation du handicap ».

En agissant ainsi successivement le gouvernement vient de casser le contrat de confiance que le législateur avait voulu instaurer entre les pouvoirs publics et – pour mieux les tromper ? – les personnes en situations de handicap. Situations de handicap dont les personnes concernées ne sont pas prêtes de s’extraire puisque le gouvernement, comme il fallait s’y attendre, a trouvé une majorité de parlementaires pour approuver à chaque fois un tel déni de démocratie et d’égalité des droits !

Et comme cela ne suffisait pas, plus mesquin que jamais, le gouvernement continue de refuser la prise en charge des frais de transport de nos représentants dans les commissions si stratégiques – ou peut-être en raison de cela – du CNCPH, commissions chargées de nous éclairer le plus précisément possible sur les aspects fondamentaux des textes réglementaires à étudier pour nous permettre d’avoir un avis le plus motivé possible !

C’est la raison pour laquelle j’ai proposé à tous les responsables associatifs, siégeant au CNCPH ou au Comité d’entente, que nous adressions un courrier collectif à la fois au Président de la République et au Premier ministre pour exiger avant le 11 février 2010, la tenue d’un Comité interministériel du handicap présidé par le Premier ministre entouré de tous les ministres concernés par l’application de la loi, afin de réaffirmer notre condamnation de ces pratiques, de demander le retrait du décret illégal introduisant des dérogations dans le cadre bâti neuf des lieux de travail, d’exiger l’engagement solennel de ne plus présenter à l’avenir de textes réglementaires sans l’avis du CNCPH, et de développer l’ensemble de nos préoccupations, que ce soit en matière d’accessibilité du cadre bâti et des anomalies constatées, de ressources et des insuffisances au quotidien, de compensation et des inégalités criantes, de scolarité et d’accompagnement précaire, d’emploi et des incohérences persistantes, etc.

J’ai proposé également d’annoncer lors de la réunion du CNCPH du 19 janvier 2010, qu’au cas où le gouvernement nous refuserait, ce que je ne veux pas croire, une telle rencontre démocratique, nous boycotterions les réunions du CNCPH à partir du 11 février 2010 !

Sans préjuger d’autres initiatives qui pourraient être faites au sein du mouvement associatif.


Vincent Assante. Président de l’ANPIHM, janvier 2010.

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