D’abord le Premier ministre, François Fillon, qui annonce début mai une réduction des dépenses d’intervention de l’État de 10 % sur trois ans, et l’Allocation aux Adultes Handicapés en faisant partie, il revient ainsi sur la promesse du Président de la République d’augmenter celle-ci de 25 % en cinq ans, avant de reculer et d’étaler désormais cette revalorisation sur six ans… Puis le sénateur Jean Arthuis, Président de la commission des Finances, qui déclare sur France Inter, le 31 mai 2010 : « En matière de dépenses, je voudrais aussi souligner l’incohérence législative et l’incohérence de gouvernance. Nous n’arrêtons pas d’édicter des normes, par exemple, une loi sur les handicapés, qui est certainement excellente au plan humain mais, budgétairement, je considère que toutes les mesures prévues ne sont pas finançables dans la situation de nos finances publiques. Je voudrais qu’il y ait un retour à la raison. On n’arrête pas d’édicter des normes nouvelles qui toutes aboutissent à des suppléments de dépenses publiques… » En somme, il prône la fin de la Prestation de Compensation du Handicap ou l’instauration d’un succédané de PCH.

Et, cerise sur le gâteau, début juillet, le ministre du budget, François Baroin, annonce la fin de l’exonération des charges patronales pour les particuliers-employeurs, c’est-à-dire pour les personnes qui embauchent en emploi direct ou en mandataire, dont nous faisons partie, nous les bénéficiaires de la PCH aide humaine. Cette décision sonne-t-elle le glas de notre sécurité, de notre confort et de notre autonomie ? Car, si elle est confirmée, soit la PCH aide humaine devra être augmentée d’environ 20 % (ce qui me semble totalement utopique), soit les personnes dites handicapées vont se retrouver dans une situation intenable : nous reviendrions huit ans en arrière, avant l’instauration des forfaits postes d’auxiliaires de vie en avril 2002. Une telle mesure serait la porte ouverte à la précarisation et, pire, une mise en danger vital délibérée pour les personnes « handicapées » puisqu’elles seront contraintes de licencier au moins un de leurs employés.

Les conséquences seraient humainement dramatiques et socialement gravissimes. Mais s’en soucie-t-on dans ce gouvernement ? A-t-on conscience des implications, des risques inhérents pour les personnes qui ont un handicap ? Ce qui se trame depuis le printemps est irresponsable et très inquiétant pour l’avenir des personnes dites handicapées et, plus généralement, pour la politique sociale elle-même. C’est d’autant plus révoltant et consternant que, dans le même temps, il n’est toujours pas question de toucher au bouclier fiscal. Ce qui signifie que ce gouvernement a décidé de continuer à prendre aux plus démunis, aux plus fragiles, pour préserver voire pour offrir davantage aux plus riches.

Si c’est ainsi qu’on pense résorber les effets de la crise, je pense que c’est un très mauvais calcul. Car le champ du social est, non seulement, un vecteur d’humanisation et d’insertion mais, également, un facteur économique majeur. S’attaquer à la PCH, c’est prendre la responsabilité de stopper l’élan d’autonomisation et d’insertion suscitée par la loi de 2005, de précariser les personnes auxquelles le Président de la République avait promis  » monts et merveilles  » en juin 2008, lors de la Conférence Nationale du Handicap, tout en se gaussant d’avoir, lui et sa famille, la chance de ne pas être handicapé…

Je rappelle, pour exemple, que je touche un peu plus de 11.000 € de PCH par mois, sur lesquels environ 3.000 € repartent illico dans les caisses de l’URSSAF, donc de l’État. Et que le reste représente des salaires. Que ces salaires représentent des impôts, des achats divers, des loyers, des cotisations, la prise en charge de soins, de loisirs, etc. C’est-à-dire que, d’une façon ou d’une autre, la PCH retourne tôt ou tard dans les caisses de l’État. Ce n’était pas le cas des cigares de M. Christian Blanc qui, eux, sont partis en fumée…

Vouloir s’attaquer au déficit en s’attaquant au domaine social, c’est à mes yeux un signe d’incompétence. Il est évident qu’à court terme la politique du handicap coûte cher, très cher. Mais on n’impulse pas, on n’envisage pas une politique sociale à court terme. Ce secteur nécessite non pas de l’opportunisme, mais d’avoir une vision à long terme, et donc de la lucidité et du courage. Des qualités qui manquent cruellement chez bon nombre de politiques.

Marcel Nuss, août 2010.

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