Paul Blanc, sénateur UMP des Pyrénées-Orientales, a enfin mené à terme sa tâche de factotum gouvernemental : le 25 octobre, le Sénat a adopté sa proposition de loi relative aux Maisons Départementales des Personnes Handicapées, dans laquelle Paul Blanc a, pour complaire au Gouvernement, introduit des « substi-dérogations » à l’accessibilité des constructions neuves. Si l’Assemblée Nationale approuve ce projet, il deviendra possible d’obtenir une dérogation complète en cas « d’impossibilité technique […] du fait de l’implantation du bâtiment, de l’activité qui y est exercée ou de sa destination ».
Ce champ dérogatoire très largement ouvert est subordonné à l’élaboration de mesures de substitution dont on se demande ce qu’elles pourront être : un parloir pour visiter quelqu’un qui résiderait dans un immeuble ? Une fenêtre-guichet pour servir un administré ou un client d’un service ou commerce ? La remise d’un DVD autodestructible par l’exploitant d’un cinéma ? Ne doutons pas que les propriétaires, constructeurs et promoteurs sauront rivaliser d’imagination pour élaborer ces mesures de « substi-dérogations ».
Mais en imposant au législateur de se dédire, cinq ans après le vote de la loi d’égalité des droits et des chances des personnes handicapées, Paul Blanc et les sénateurs qui l’ont suivi viennent de voter la première loi française ségrégationniste du 21e siècle.
Le travail de destruction de l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées sera poursuivi avec zèle par le sénateur Paul Blanc : il prépare en effet pour la fin de l’année une proposition de loi réformant l’Allocation aux Adultes Handicapées, qui ne serait plus attribuée qu’aux seules personnes « à faible employabilité ». Ce critère actuellement fixé à 5% de capacité de travail concerne 57.000 personnes qui perçoivent près de 900€ par mois, complément compris. Le projet de Paul Blanc consiste à diviser par 15 le nombre d’allocataires, ramenant le budget annuel de l’AAH à 600 millions d’euros au lieu de 6 milliards, une division financière par 10 qui expédierait 800.000 allocataires au Revenu de Solidarité Active, successeur du RMI.
Dans ce domaine, Paul Blanc a de la mémoire : une disposition similaire figurait déjà dans une proposition de loi qu’il avait déposée en 2002. Mais on aurait tort de croire que le projet de 2010 connaitra les mêmes oubliettes qu’en 2002 : le Parlement vient d’adjoindre au projet de loi de réforme des retraites une étude de mise en cohérence des barèmes d’attribution des pensions d’invalidité et de l’Allocation aux Adultes Handicapés d’ici fin 2011. C’est donc l’ensemble des revenus de remplacement des adultes handicapés qui est menacé à court terme.
Cette politique rejoint les demandes répétées d’organismes internationaux. Dans un rapport récemment rendu public, le Fonds Monétaire International, dirigé par le socialiste français Dominique Strauss-Kahn, recommande aux Etats de réduire les droits à pension de retraite pour les personnes handicapées : « Le relèvement de l’âge de la retraite doit être accompagné de mesures pour limiter la générosité des programmes de retraite anticipée […] Il sera également important de resserrer les conditions d’attribution de pensions pour handicap ».
En matière d’allocations, le gouvernement roumain emboite le pas et s’apprête à réduire les prestations en prenant argument de la crise économique. Idem pour la Suisse, qui supprime 12.500 rentes invalidité en expédiant, baïonnette dans le dos, leurs bénéficiaires sur le marché du travail.
Voilà qui ravira l’économiste et homme d’affaires Jacques Attali, ancien conseiller du feu Président socialiste François Mitterrand, qui prône un déficit zéro en réduisant drastiquement les prestations sociales tout en augmentant les taxes et en créant de nouveaux impôts. Selon lui, la libération de la croissance française (dont il préside la commission nationale) passe, entre autres, par l’appauvrissement des plus vulnérables, les malades chroniques et les personnes handicapées auxquels il conviendrait de supprimer la prise en charge totale de leurs dépenses de santé : le 100% pour Affections Longue Durée serait remplacé par un « bouclier sanitaire » laissant à leur charge un minimum de 450€, l’inverse même du bouclier fiscal dont bénéficient les plus riches !
Laurent Lejard, novembre 2010.