Roselyne Bachelot l’a de nouveau martelé devant la Conférence Nationale du Handicap : « L’accessibilité est un des piliers de la politique du handicap ». Mais un pilier attaqué avec une remarquable cohérence. D’abord par une proposition de loi (portée par le sénateur UMP Paul Blanc mais téléguidée par le Gouvernement) qui introduit dans les constructions neuves la notion de mesures de substitution pour bâtir inaccessible. Partie visible de l’iceberg, cette proposition a cristallisé l’opposition des associations nationales qui n’ont pas vu la partie immergée : le rapport sur la révision des normes réglementaires qu’a remis, huit jours après la CNH, le sénateur UMP Eric Doligé au Président de la République. C’est ce dernier qui l’a chargé d’une mission de simplification et de révisions de ces normes, élément d’un chantier lancé le 20 mai 2010 par Nicolas Sarkozy pour alléger tout ce qui rend l’urbanisme plus sûr, intégratif et respectueux de l’environnement. Dénoncées comme une source de complications et de coûts supplémentaires, les normes réglementaires doivent être rabotées pour relancer la construction et l’activité économique. Que ce soit au prix de la qualité de vie et de la sécurité des habitants (et du rejet à leur périphérie de ceux qui sont handicapés) n’entre pas dans les comptes de résultat des entreprises du bâtiment et des travaux publics qui agissent en sous-main pour obtenir ce droit de tout construire, n’importe comment, pourvu que ça rapporte beaucoup.
Bien évidemment, une telle orientation de l’action publique piétine la Convention internationale des droits des personnes handicapées que la France a signée, mais ce n’est pas le premier traité à être ignoré par les politiciens français. Le Gouvernement n’a d’ailleurs toujours pas installé l’organisme de suivi d’application en France de cette convention, on comprend aisément pourquoi. Mais que se passera-t-il en 2012, lorsque l’Union Européenne publiera son Pacte pour l’accessibilité, prélude à une probable Directive ? La France aura-t-elle décroché au nom d’un libéralisme des affaires et du marché ? Faudra-t-il rattraper les errements de nos dirigeants politiques au prix fort, sous la menace de sanctions de la Commission Européenne, une procédure coûteuse qui frappe la France plus souvent que les autres pays membres ?
Cela n’embarrasse visiblement pas un Président de la République dont les propos de clôture de la CNH se démarquent de ceux de ses ministres : « L’accessibilité est un domaine primordial, sur lequel nous devons faire porter tous nos efforts. J’ai bien conscience que la mise aux normes n’est pas un objectif en soi. L’objectif, c’est la participation à la société, c’est la capacité d’agir, l’objectif, c’est la mixité des publics ». Un objectif qui colle parfaitement avec la notion de substitution à l’accessibilité à tout pour tous.
Laurent Lejard, juin 2011.