Les élus sont comme les lecteurs de Yanous : ils cherchent des informations de qualité pour prendre leurs décisions, et c’est aussi pourquoi le sénateur Éric Doligé à été missionné pour produire un rapport sur la simplification administrative des normes applicables aux collectivités locales. Ce rapport est, avec la Loi Paul Blanc votée en dernière lecture le 28 juin dernier, une des pièces du tour de passe-passe engagé pour donner un socle légal aux possibilités de déroger aux obligations d’accessibilités de la Loi de 2005. Arguant qu’une « telle évolution [de l’accessibilité] nécessite du temps et du pragmatisme », les propositions du rapport ont déjà au moins produit les mêmes effets que les mesures qu’elles prétendent simplifier, à savoir une grande confusion, alimentée de surcroît par des postures associatives qu’il aurait été plus heureux d’entendre au moment de la discussion de la loi en 2004.

Sans entrer ici dans une revue de détail, un grand nombre des propositions du rapport Doligé n’envisagent rien d’autre qu’un retour au statu quo d’avant la Loi de 2005. Pour les petites collectivités territoriales, les motivations sont claires : la charge financière leur est insupportable et, comme c’est le cas pour les lieux de santé (cabinets médicaux et paramédicaux), il est clair que les objectifs ne seront pas atteints en 2015 faute de fonds disponibles et de responsabilités identifiées. Il n’y a plus d’argent, la puissance publique prend conscience qu’elle s’est tirée une balle dans le pied et il est urgent de trouver une solution pour mettre la Loi en conformité avec la réalité !

Toute construction neuve sera, par contre, demain très probablement accessible mais il existe et existera toujours des impossibilités avérées et des solutions disproportionnées à propos desquelles il est contre-productif de s’écharper de façon dogmatique. Nous ne pouvons raser les montagnes; les rues en pente, comme le vieux métro parisien, resteront impraticables aux utilisateurs de fauteuils roulants. La réponse de l’Europe à cette réalité a été l’introduction de la notion « d’aménagements raisonnables », la solution de la France a été celle des possibilités de dérogations et aujourd’hui de la substitution, toutes réponses conformes aux principes de l’accessibilité dite universelle.

Le premier pragmatisme serait de préparer ce que nous savons déjà depuis plusieurs années, à savoir le besoin croissant d’accessibilité d’une population vieillissante, là où elle vit, à son domicile. En l’absence de prospective en matière de logement et de pragmatisme éclairé en matière d’établissements recevant du public (ERP), non seulement les citoyens auront à quitter leur domicile plus vite qu’ils ne l’auraient souhaité, mais en plus se voient-ils maintenant refuser un libre accès à des pans entiers de la vie sociale. La proposition n° 11 du rapport Doligé, par exemple, envisage de « faciliter les possibilités de dérogation » au vu « de la fréquentation probable […] de l’établissement par des personnes à mobilité réduite », mais l’impensable hier pour une personne paraplégique est devenu pratique quotidienne aujourd’hui, comme le canoë ou la conduite automobile, et il en est de même pour de nombreuses activités dont la fréquentation probable par des personnes dites « handicapées » peut être proche de zéro aujourd’hui mais quotidienne demain. Pour le moment, ce qui est le plus proche de zéro c’est le niveau du débat.

Objets de cette foire d’empoigne, les citoyens concernés ont surtout besoin que toutes celles et tous ceux qui interviennent dans l’aménagement de leur cadre de vie et d’autonomie, qu’ils soient techniciens, architectes, banquiers ou élus, connaissent leurs usages et donc s’intéressent à leur vie. Pour instaurer la relation de confiance réciproque nécessaire, apprendre les uns des autres et nous rapprocher, quelles que soient nos capacités, l’accessibilité doit rester ce qu’elle est : une idée simple, rassurante et sécurisante, un défi passionnant. Une façon de faire qui invite à la libre circulation, à la convivialité et à la rencontre, une façon qu’il s’agit d’inscrire jusqu’au plus profond de l’art de construire.


Jean-Luc Simon, président du GFPH, juillet 2011.

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