L’indemnisation des victimes du travail date de 1898. Adoptée après une dizaine d’années de débat, elle a été rédigée à une époque où les conditions de travail étaient proches de celles présentées dans le livre Germinal d’Emile Zola. Certes, elle a connu des évolutions depuis, mais pas dans ses principes généraux.
Ces deux dernières années, on peut toutefois relever deux évolutions majeures : la première a constitué un important retour en arrière, la deuxième une évolution potentiellement favorable, mais qui sur le terrain s’avère source d’un contentieux important. Ainsi, la fiscalisation partielle des indemnités journalières des victimes du travail adoptée il y a deux ans, après un large débat, a constitué un signal extrêmement négatif pour ces personnes, dont les ressources se sont vues réduites, alors même qu’il s’agissait de l’indemnisation d’un préjudice. Si le Sénat vient de supprimer cette fiscalisation dans le projet de loi de finances pour 2012, on peut malheureusement craindre que l’Assemblée nationale revienne sur ce vote d’ici la fin de l’année. Pourtant rien ne justifie cette imposition ni socialement, ni financièrement. D’autres pistes pourraient être cherchées pour trouver les 135 millions d’euros de recettes escomptées.
Indemnisation intégrale ?
L’autre évolution, positive cette fois, réside dans la décision du conseil constitutionnel du 18 juin 2010 qui a reconnu l’indemnisation intégrale pour les victimes du travail dès lors qu’il y a faute inexcusable de l’employeur. C’est une avancée essentielle, puisque, jusqu’à cette décision, les victimes du travail n’étaient pas indemnisées d’un certain nombre de préjudices, tel que l’aménagement de leur domicile ou de leur véhicule. Toutefois l’application de cette décision suscite sur le terrain de nombreuses difficultés d’interprétation, et surtout de fortes inégalités selon les juridictions. Bref, si sur le papier cette décision devait améliorer l’indemnisation des victimes du travail, dans les faits c’est loin d’être le cas.
Ces deux évolutions ont conduit les députés de la majorité et de l’opposition à déposer deux propositions de loi, identiques dans leurs objectifs. Celle déposée par une cinquantaine de députés socialistes, sous la houlette d’Alain Vidalies, député des Landes, était inscrite à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale les 17 et 23 novembre derniers. Autant le dire tout de suite, elle n’a pas été adoptée. Mais notre déception n’est pas là, car nous ne nous faisions pas beaucoup d’illusion sur ses chances d’être adoptées, malgré l’existence apparente d’une union nationale des députés de la majorité et de l’opposition. La période pré-électorale ne se prête pas vraiment à une telle union nationale, mais plutôt à l’expression des clivages idéologiques.
En revanche, on ne peut que regretter que le débat n’ait pas été à la hauteur des enjeux et des attentes des victimes. Pour rejeter cette proposition de loi, le Gouvernement a invoqué principalement les coûts liés à l’amélioration de l’indemnisation, tournant ainsi le dos à la décision du conseil constitutionnel du 18 juin 2010, qu’il n’a d’ailleurs évoqué à aucun moment. Aucun mot n’a été prononcé à l’égard des victimes du travail pour reconnaître l’iniquité du système d’indemnisation, reconnue pourtant par de multiples rapports. Les victimes du travail auraient mérité plus d’attention de la part d’un Gouvernement qui avait placé la valorisation du travail au cœur de son action et souhaitait soutenir « la France qui se lève tôt ». Ce débat laissera un goût amer aux victimes du travail et constitue sans nul doute un nouveau rendez-vous manqué.
Une pétition.
Alors, nous retiendrons surtout l’ouverture de travaux préalables à la réforme de l’indemnisation des victimes du travail. La FNATH y participera, en espérant qu’ils n’aient pas pour objectif de retarder une fois de plus, voire d’enterrer, la décision du politique, au-delà des positions des partenaires sociaux. La décision du conseil constitutionnel devra ainsi être renforcée et précisée dans la loi : comme en témoignent les autres systèmes d’indemnisation (accidents de la route, médicaux, contaminations…), un tel système n’est pas juridiquement incompatible avec la présomption d’imputabilité dont bénéficie la victime. Il n’est pas incompatible non plus avec une gestion par la Sécurité Sociale. Arrêtons d’arguer du caractère théorique de la réparation intégrale dès qu’il s’agit des victimes du travail alors qu’on indemnise l’ensemble des autres victimes sur ces bases.
Pour peser sur ces travaux qui devraient durer plusieurs mois, la FNATH poursuit sa campagne « Pour une loi juste », et invite toutes les personnes qui souhaitent soutenir ce combat à signer la pétition lancée sur le site pouruneloijuste.com. Après la fiscalisation des indemnités journalières des victimes du travail, les franchises médicales, l’augmentation des mutuelles, mobilisons-nous pour qu’enfin une loi juste soit adoptée.
Arnaud de Broca,Secrétaire général FNATH,
association des accidentés de la vie,
décembre 2011.