C’est la fin : les ministres rangent leurs dossiers entre deux propos de propagande électorale, leurs conseillers techniques se recasent dans le secteur public et parfois privé, et c’est le moment qu’ont choisi la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, Roselyne Bachelot-Narquin, et sa secrétaire d’État Marie-Anne Montchamp, dont on n’avait plus de nouvelles depuis un mois, pour présenter au dernier Conseil des ministres du quinquennat de Nicolas Sarkozy une communication relative à la politique du handicap. Communication qui a bien failli passer inaperçue au lendemain du débat électoral qui devait tenir en haleine la plupart des Français…

Cette communication, en forme de bilan de cinq ans d’action, se veut positive. Pourtant, son exposé ne parvient pas à masquer les lacunes. « 214.600 enfants handicapés ont été scolarisés à la dernière rentrée, soit une augmentation de 38% depuis 2007 », affirme le communiqué du Conseil des ministres. Mais combien sont simplement accueillis, voire parqués en classe, sans professeur formé ni Auxiliaire de Vie Scolaire ni outils pédagogiques ? Cette politique du chiffre n’a pas offert une scolarisation de qualité à nombre d’élèves handicapés, et aucune action corrective n’a été engagée alors que le nombre d’enseignants a nettement baissé.

Côté emploi, les ministres soulignent l’amélioration du quota : « Le nombre d’entreprises n’employant aucun travailleur handicapé a diminué de 93% entre 2008 et 2010, et 49% des entreprises dépassent déjà le taux d’emploi légal de 6%. » Pourtant, le chômage des travailleurs handicapés approche les 300.000 et sa progression dans une économie en crise est de l’ordre du double de celui des travailleurs dits valides. Dans le même temps, les aides à l’emploi dans le secteur privé ont fondu, particulièrement en matière de formation professionnelle. Le Gouvernement a incité à travailler tout en réduisant les moyens de se qualifier.

Certes, les Allocataires Adultes Handicapés ont bénéficié d’une nette revalorisation de leur prestation : 155€ en plus lorsque la dernière revalorisation voulue par Nicolas Sarkozy sera appliquée en octobre prochain, précise le Communiqué du conseil des ministres. Voilà de quoi mieux affronter les fortes augmentations des prix des loyers, de l’énergie, des soins médicaux et de la part laissée à la charge des personnes handicapées souvent grosses consommatrices de produits de santé. Donner d’une main ce que l’on reprend de l’autre, même si les bénéficiaires de l’AAH s’en sont mieux sortis que les autres récipiendaires de minima sociaux.

On pourra toutefois qualifier de mensonger le passage sur le maintien d’un « effort constant pour l’accessibilité, notamment des transports, des bâtiments, des services de communication, de la culture, du tourisme, des loisirs ». Avec quatre tentatives législatives d’instituer des dérogations à ces règles, dont deux censurées par le Conseil Constitutionnel, une totale absence de moyens et de volonté politique d’impulser le chantier national de ces accessibilités, le Gouvernement ne sort pas grandi.

Enfin, que dire du programme de création de 51.400 places « en établissement ou service médico-social, avec le lancement en 2008 d’un plan pluriannuel » ? La réforme Hôpital Patients Santé Territoires a mis ce plan en échec, embourbé qu’il est dans une bureaucratie verticale entre financements d’État gelés et projets bloqués par les Agences Régionales de Santé. Moins d’un tiers des créations ont été réalisées ou sur la voie de l’être, le solde s’est perdu dans les limbes.

Le bilan de cinq années d’action gouvernementale dressé par Roselyne Bachelot-Narquin et Marie-Anne Montchamp n’est certes pas négatif, globalement certains aspects de la situation de la plupart des personnes handicapées s’est améliorée. Mais il aura manqué à ces deux ministres un soutien sans faille de leurs collègues, ceux des finances, du travail, de la formation professionnelle, de la santé, du logement, des transports, de l’éducation nationale, pour que les personnes handicapées vivant en France aient le sentiment d’y être pleinement considérées.

Laurent Lejard, mai 2012.


Note à l’attention de nos plus jeunes lecteurs : « This is the end » est une célèbre chanson des Doors, que le cinéaste Francis Ford Coppola immortalisa en 1979 dans son film Apocalypse now

Partagez !