Une politique transversale du handicap se mettrait-elle en place dans notre pays ? C’est le sentiment que l’on peut avoir en analysant la circulaire que le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault a adressée à tous ses ministres. Certes, cette circulaire n’a pas force de loi mais elle a été publiée au Journal Officiel, ce qui lui donne un impact certain. Ce texte pourrait même être considéré comme fondateur d’une nouvelle approche de l’intégration dans la société des personnes handicapées et de leurs besoins spécifiques : s’il est suivi d’effet, les nouvelles dispositions législatives ne feront plus l’impasse sur le handicap, obligeant (ou pas) à rectifier le tir au terme de longs débats et atermoiements, toutes choses vues et vécues depuis des décennies.
Mais une circulaire ne fait pas une politique, elle se contente d’écrire ce qu’il convient de faire. La balle est désormais dans le camp des ministères et des processus de réflexion ou de concertation qu’ils emploient lors de l’élaboration des projets de lois et textes réglementaires. Ils pourront, précise la circulaire ministérielle, s’appuyer sur la ministre chargée des personnes handicapées et le secrétariat général du Comité Interministériel du Handicap. Cela suppose trois choses : d’abord, que les ministères aient quelque idée de ce qu’handicap veut dire, la perception à cet égard des hauts-fonctionnaires et conseillers ministériels étant généralement superficielle. Ensuite, que les services du ministère chargé des personnes handicapées soient suffisamment dotés en moyens et personnels pour effectuer un contrôle effectif de la fiche diagnostic-handicap que les autres ministères devront élaborer. Cela devrait entrainer des conseils avant la rédaction de textes, ce qui prend du temps et consomme des ressources. La logique voudrait que le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH) soit saisi pour avis, ce qui n’est pas prévu dans la circulaire. Enfin, qu’il soit mis fin à la « coproduction législative » à la mode durant la précédente législature, technique grossière consistant à soustraire à la concertation un projet gouvernemental en le faisant porter par un député ou un sénateur déposant une proposition de loi. Cet artifice avait été employé par le Gouvernement Fillon pour introduire des dérogations à l’accessibilité des constructions neuves, le texte scélérat étant déposé et défendu par un « grand ami » auto-proclamé des personnes handicapées, l’ex sénateur UMP Paul Blanc.
C’est donc à l’examen de la nouvelle pratique de conception, concertation et rédaction des prochains textes de lois que l’on pourra apprécier la réalité de la volonté du Gouvernement Ayrault de faire entrer partout les personnes handicapées, enfin considérées à l’égal des autres.
Laurent Lejard, septembre 2012.