Pour les personnes handicapées qui nécessitent un accompagnement permanent en aide humaine, les réveils au matin du 1er janvier 2013 risquent d’être douloureux… La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, publiée au Journal Officiel du 18 décembre dernier, supprime purement et simplement, en son article 14, l’option dite « forfaitaire » pour les cotisations salariales du particulier employeur. Cette mesure souhaitée par le Gouvernement s’applique bien évidemment à tous.

Or, ce qui s’annonce comme une bonne intention, consistant à améliorer la couverture sociale de salariés à domicile aux conditions d’emploi souvent précaires, cache en réalité des effets redoutables. Si le Gouvernement affirmait, dès le mois d’octobre, dans l’exposé des motifs de l’article 15 du projet de loi, que cette mesure ne modifierait pas le dispositif d’exonération actuel ouvert au bénéfice des particuliers employeurs fragiles (qu’il qualifie au passage de « particulièrement avantageux »), il n’en demeure pas moins que l’option forfaitaire est bel et bien supprimée pour les employeurs concernés.

Un abattement a certes été consenti aux particuliers employeurs qui cotiseront au réel : celui-ci sera de l’ordre de 0,75 centimes par heure travaillée. Mais comble de l’ironie, cet abattement destiné à atténuer le choc de la hausse des cotisations à venir ne sera pas cumulable avec les exonérations existantes (invalidité de plus de 80 %, personnes âgées de plus de 70 ans, parents d’enfants handicapés, titulaires de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie). « Pas de bras, pas de chocolat ! »

L’addition pour la personne handicapée, nécessitant une aide 24 heures sur 24 est simple : le surcoût sera au bas mot de 2.200€ annuels. À condition toutefois de ne pas avoir, dans un souci de respect du droit du travail, tenu compte de l’ancienneté de ses assistants en les rémunérant au-dessus du SMIC, car alors la facture risque de monter en flèche.

Le problème réside essentiellement dans le fait que la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) est indexée sur le SMIC horaire brut d’une assistante de vie niveau 3 sans ancienneté (selon la convention nationale collective des particuliers employeurs). Autrement dit, son montant n’augmente que si le SMIC augmente, sur décision des pouvoirs publics. Or, au 1er janvier 2013, la hausse annoncée ne sera que de 0,3 %. En revanche, la PCH n’augmente pas lorsque les cotisations salariales sont relevées. Ces derniers mois, les employeurs handicapés ont subi 3 augmentations successives des cotisations, en septembre, novembre et maintenant janvier, non compensées. Avec la hausse brutale des cotisations induite par la mesure gouvernementale (de l’ordre de 7 % minimum), et une stagnation de la PCH, elles vont donc subir de plein fouet cet effet ciseaux.

Dès lors, comment faire la même chose avec moins ? Il n’y a pas 36.000 solutions : soit les personnes handicapées diminuent dès le mois de janvier les salaires de leurs assistants, mais inévitablement elles s’exposent au risque de les voir partir, attirés par de meilleurs salaires, notamment en structure. Par ailleurs comment baisser légalement des salaires qui plafonnent déjà au SMIC ? Soit elles prélèvent sur leurs propres ressources, mais avec une Allocation aux Adultes Handicapés (et éventuellement un complément) à moins de 800€ par mois, c’est plus d’un quart de leurs ressources qu’elles devront sacrifier, pour compenser le surcoût des 2.200€ annuels ! Dernière solution : le licenciement économique. Mais dans le cas d’une personne nécessitant 24h/24 d’aide humaine, ce sont leurs besoins vitaux auxquels elles devront renoncer, au péril même de leur vie.

Dans ce marché de dupes, on ne peut que regretter l’aveuglement ou le silence des grandes associations qui, au mieux, se sont fait berner, au pire, n’ont pas mesuré les conséquences humaines d’une telle mesure. Que dire de l’ignorance ou de l’incompétence des parlementaires sur la question du handicap, dans l’opposition comme dans la majorité, qui n’ont pas vu le coup venir ? Enfin, où sont les belles promesses du candidat François Hollande qui souhaitait la prise en compte du handicap dans chaque loi votée ?

La loi a été promulguée. Elle s’appliquera donc dès le 1er janvier 2013. D’ici là, la seule issue juridique possible serait la publication d’un décret. Mais il faudra de bons juristes pour le rédiger. On imagine mal une dérogation autorisant spécialement les employeurs handicapés à continuer à déclarer forfaitairement, au risque de cantonner leurs salariés dans une sous-catégorie d’assurés sociaux. Le mieux serait une réévaluation immédiate de la PCH volet aide humaine, afin de compenser les pertes annoncées. Il faudrait enfin et surtout réviser la mesure réglementaire consistant à indexer cette prestation sur un SMIC horaire brut, purement théorique pour l’employeur handicapé, pour la faire évoluer désormais en fonction des salaires et des cotisations réelles acquittées par ses titulaires.

À défaut, sauf à se laisser mourir, les personnes handicapées nécessitant un accompagnement permanent n’auront alors pas d’autre choix que de rejoindre la cohorte de leurs frères espagnols, qui ont encore manifesté début décembre dans les rues de Madrid, pour dénoncer les coupes budgétaires affectant les plus fragiles d’entre eux.


Anne-Sophie Parisot, Juriste, Vice-présidente de la Coordination Handicap et Autonomie – Vie autonome France, décembre 2012.

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