La disposition est passée totalement inaperçue dans le cercle fermé des défenseurs des intérêts des personnes handicapées et des organismes d’insertion professionnelle : l’article 6 de la Loi de Finances pour 2013 limite aux véhicules de 7CV la déductibilité sur le revenu imposable des frais professionnels. Les travailleurs handicapés qui ne trouvent sur le marché que des voitures dépassant ce seuil pour en faire aménager la conduite en seront donc pour leurs frais : ils verront le montant de leurs indemnités kilométriques plafonnées, soumises de facto à un forfait, et en conséquence paieront l’État pour aller travailler ! Officiellement, la mesure vise à réduire l’usage des moteurs les plus puissants et polluants, mais il s’agit bien en pratique de réduire une déduction fiscale pour récolter davantage d’impôts sur le revenu des travailleurs salariés (et eux seuls). Voilà une mesure mal déguisée et bien maladroite qui ne va guère inciter nombre de travailleurs handicapés demandeurs d’emploi à intensifier leurs recherches.

Parce qu’à la différence d’autres dispositions « écolos-fiscales », la Loi de Finances 2013 ne comporte aucune dérogation pour les personnes qui n’ont pas le choix. Pourtant, l’introduction de taxes Malus écologique fin 2008 s’était accompagnée d’une exemption pour les foyers dont un membre est titulaire de la carte d’invalidité, ainsi que pour les véhicules immatriculés dans le genre véhicule automoteur spécialisé (VASP) et les voitures particulières carrosserie « Handicap ». Cette exemption est toujours valide, de même que celle qui concernait les avortées Zones d’Action Prioritaire pour l’Air (ZAPA).

Pour réussir son coup, le Gouvernement a dépêché un député de sa majorité, le socialiste du Lot Jean Launay : lors du débat à l’Assemblée Nationale du 18 octobre 2012, il a défendu un amendement limitant la déduction fiscale aux voitures d’au plus 7CV fiscaux, immédiatement soutenu par les députés d’Europe-Ecologie Les Verts qui ont retiré leurs propres amendements. Mais c’est finalement le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, qui a raflé la mise : il a opportunément sorti de sa serviette un amendement supprimant un abattement en cas d’utilisation d’un véhicule dépassant la puissance administrative retenue, et sa fixation à 6CV fiscaux au lieu de 7, histoire de ramasser davantage pour son budget. Dans le débat, il a été question de la situation économique du secteur de la construction automobile, de l’utilisation de la voiture de la famille pour aller travailler, mais à aucun moment de l’obligation pour de nombreux travailleurs handicapés de faire aménager des voitures dépassant les 6CV fiscaux, les modèles moins puissants étant loin de s’y prêter. Lors du premier examen au Sénat, le 23 novembre, un amendement sénatorial avait relevé à 7CV la limite des indemnités kilométriques. Si les sénateurs ont finalement rejeté le Projet de Loi de Finances, cette limite de 7CV a été réintroduite par les députés en nouvelle lecture. Et c’est ainsi qu’une partie des travailleurs contraints de se déplacer en voiture paieront davantage pour travailler.

Un résultat qui n’émeut guère la ministre chargée des personnes handicapées : elle n’envisage « aucune mesure correctrice » et se réfugie derrière une bordée de chiffres. Sa porte-parole précise : « En 2013, les personnes en situation de handicap bénéficieront de 12,2 milliards d’euros soit 600 millions de plus qu’en 2012, dépenses fiscales qui s’ajoutent aux 20 milliards d’euros de dépense budgétaires (PLF et PLFSS). Cet effort financier est la preuve que le Gouvernement s’engage pleinement en faveur des personnes en situation de handicap. Malgré un contexte financier très contraint et la nécessité de maitriser les déficits publics, le Gouvernement fait le choix de la justice et de la solidarité nationale. » Vraiment ?

Laurent Lejard, janvier 2013.

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