En ces temps d’austérité budgétaire où les idées ne manquent pas pour réduire les dépenses sociales et augmenter les recettes fiscales, l’étude par la Cour des Comptes de la fiscalité appliquée aux personnes handicapées fournit un rapport de plus sur le sujet. Il est vrai que les dégrèvements, abattements, crédits et exonérations ont été empilés au fil du temps, sans aucune vision d’ensemble ni cohérence de critères. Pour certains, la carte d’invalidité constitue le sésame, pour d’autres l’incapacité de « travailler dans des conditions normales de rentabilité » bien difficile à démontrer : c’est pourtant ce critère qui ouvre droit à exonération et abattement sur droits de succession. Selon la Cour des Comptes, le code général des impôts (CGI) « permet d’identifier 64 mesures comportant au moins une disposition relative au handicap, à l’inaptitude, à l’invalidité ou à la dépendance. » La moitié de ces exonérations ou abattements ne se retrouve pas dans le budget de l’État au sein duquel ils doivent constituer une dépense et non pas un « cadeau » passé par pertes et profits.
La doctrine budgétaire exige qu’exonérations et abattements constituent une aide de l’État. Par exemple, soulève la Cour, « la question peut être posée du bénéfice final du taux réduit de TVA sur les matériels destinés aux personnes handicapées, dont le coût pour l’État est estimé à 1,1 Md€. En effet, cette mesure interagit en définitive avec la prestation de compensation du handicap (PCH) : pour les achats remboursés par l’assurance-maladie ou financés par la PCH, le dispositif bénéficie en dernier lieu à l’assurance-maladie et aux conseils généraux qui versent la prestation. » Certes, les magistrats de la Cour des Comptes oublient que les personnes handicapées ont un « reste à charge » important à payer, mais seul compte ici le rendement de la TVA qui, si elle devait passer au taux normal de 20% ferait économiser 1,1 milliards d’euros au budget de l’État, somme finalement payée par l’acheteur handicapé, le Conseil Général payeur de la PCH avec la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie et l’Assurance Maladie avec les cotisations des travailleurs. Cela reviendrait à faire payer davantage encore leur handicap à ceux qui le vivent, comme ils le font d’ailleurs lors de l’achat d’une voiture : là, c’est 20% de TVA, plus 5,5% sur le prix d’un éventuel aménagement. Si l’État leur a octroyé une « niche » fiscale, il sait se rattraper grâce cet impôt universel qu’est la TVA.
C’est dans ce contexte que s’élabore la monumentale réforme de la fiscalité voulue par le Président de la République, François Hollande, et son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. L’impôt sur le revenu pourrait être prélevé chaque mois sur les revenus des contribuables, avec régularisation annuelle pour tenir compte des situations familiales ou de handicap. S’il est affirmé par le Gouvernement que cela n’entrainera pas une augmentation généralisée de l’impôt, les contribuables vivant en couple ou dont le foyer comporte une personne handicapée risquent de payer davantage pour être remboursés plusieurs mois plus tard. D’autant que la Cour des Comptes fait une erreur magistrale dans son évaluation de l’impact de la non-imposabilité de l’Allocation aux Adultes Handicapés : elle oublie que les revenus du conjoint ou assimilé sont pris en compte dans le calcul de la prestation et que si cette dernière n’est pas imposable, son montant est conditionné à des ressources très faibles. Ici encore, l’État ne fait pas de cadeau et fait payer ce « prix de l’amour » que la Belgique s’apprête à supprimer. La Cour des Comptes a auditionné des associations de personnes handicapées pour établir son rapport, le Gouvernement fera-t-il de même pour sa grande réforme fiscale ?
Laurent Lejard, février 2014.
Le rapport public 2014 de la Cour des Comptes est téléchargeable au format PDF, soit par tome, soit par thème.