Ils étaient une trentaine à candidater au premier appel à projets Handicap et Innovation annoncé par le Président de la République, François Hollande, lors de la vraie-fausse Conférence Nationale du Handicap du 19 mai 2016. La Banque Publique d’Investissement devait distribuer aux lauréats deux millions d’euros de subventions mais c’est finalement moins de la moitié de cette somme (952.000€) qui a été accordée à sept candidats. Aucun projet au sens strict du terme mais des réalisations en cours de développement, et deux matériels médicaux glissés en douce pour faire bonne mesure et porter à neuf le nombre total de lauréats pour consommer 379.000 euros de plus. Résultat, 669.000 euros restent dans les caisses de la BPI…

Qu’en est-il des réalisations primées ? Trois font triplon, consistant en des applications mobiles de recensement de l’accessibilité, chacune avec ses spécificités qui s’ajoutent aux innombrables applications d’information sur l’accessibilité. Toutes trois reposent en tout ou partie sur un travail collaboratif, entendez par là que ce sont les usagers handicapés et les exploitants qui documentent les fiches des lieux et établissements, comme s’ils étaient experts en la matière. Rien de fiable mais du subjectif, l’une des applications se présentant comme un « Tripadvisor du handicap » : vu les manipulations identifiées en matière d’avis publiés sur ce site hégémonique dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, on peut s’attendre à des surprises dans la réalité de l’accessibilité et l’accueil des clients handicapés ! Une autre de ces applications communique sur des chiffres gonflés par d’innombrables fiches vides, la dernière repose sur moins de 1.500 « expériences partagées ». Chacune travaille pour son business (le concours Handicap et Innovation ne finance que des entreprises) en peaufinant un positionnement faisant croire à des applications différentes alors qu’elles s’entrecroisent et que le nombre d’usagers de chacune oscille entre faible et infime. Le jury, en l’absence d’experts du handicap, n’a manifestement pas perçu cet aspect.

Autre projet financé, la création d’un Segway adapté aux personnes à mobilité réduite comportant un dispositif de verticalisation. Les gyropodes à siège existent depuis longtemps, il n’y a là aucune nouveauté; on sait d’ailleurs que le marché ne suffit pas à faire vivre les sociétés qui les vendent : malgré les dizaines de millions de personnes à mobilité réduite que comptent les USA, le Segway adapté a peu duré, il a été abandonné en 2005. Si un paraplégique italien l’a ressuscité en 2011, son prix équivalent à une automobile de moyenne gamme a généré un concurrent chinois qui coûte autant qu’une petite voiture. On ne voit jamais circuler ces engins dans les villes françaises, alors pourquoi financer un troisième engin complexe, visant un public plus restreint encore, celui des personnes paralysées ? Certes, elles bénéficieraient ainsi d’une locomotion assise autant que debout mais une fois à destination, que feraient-elles sans leur fauteuil adapté ? Et comment paieront-elles les vingt à trente mille euros que coutera ce gyropode ?

On trouvait décidément peu d’innovation dans ce premier concours handicap mais une deuxième chance est en préparation avec le premier appel à projets Numérique et Handicap quatre fois mieux doté : huit millions d’euros. Gageons que parmi les 26 candidats qui ont déposé un dossier, on trouvera quelques réinventeurs de la roue et une poignée de futilités sans réel avenir. Le choix du jury sera-t-il plus éclairé ?

Laurent Lejard, février 2017.

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