Drôle d’ambiance électorale en cette fin avril, alors que la campagne pour l’élection présidentielle peine à sortir des admonestations, manipulations de sondages plus ou moins fiables et affaires en tous genres. Aucun débat sur le devenir de notre société, rien qui fasse vraiment rêver ou redonne de l’espoir, suscite l’intérêt et l’implication. Dans ce désert d’idées, il n’est pas surprenant que les personnes handicapées, entre 10% et 25% de la population selon les critères retenus, soient une fois encore les grandes oubliées. On vous le serine, il faut ré-for-mer, que ce soit dans le libéralisme échevelé, le tout-finance, le conservatisme nationaliste, la troisième voie attrape-tout, la 6e République ou l’anticapitalisme. L’actuel Président de la République ne participe pas à ce non-débat électoral, contraint à ne pas se représenter à cause d’une image personnelle délétère et d’une perception déliquescente de sa politique par l’opinion publique. Son (in)action en direction des personnes handicapées en témoigne : le bilan, c’est maintenant !

Alors dans l’opposition, députés et sénateurs socialistes avaient par quatre fois voté contre la loi du 11 février 2005 d’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, au motif qu’elle n’allait pas assez loin, qu’elle manquait d’ambition. Sept ans plus tard, cette opposition devenue majoritaire a entrepris non pas de combler les lacunes qu’elle avait dénoncées mais, sous la pression des lobbies des architectes, de la construction et des transporteurs, a détricoté un volet essentiel de cette loi. Les dispositions relatives à l’accessibilité des transports et du cadre bâti ont été réformées pour les alléger, offrant de nouvelles dérogations, délivrant par accord tacite de larges délais pour réaliser des aménagements, accordant des délais supplémentaires pour remplir ces nouvelles formalités sans sanction aucune. Cela tout en proclamant que le Gouvernement agissait pour l’accessibilité universelle alors qu’il mettait en pièces l’accessibilité à tout pour tous. Or, sans accessibilité réelle, pas de vie autonome, d’accès au travail, au logement, de participation à la vie sociale, sportive, culturelle au milieu de tous, avec pour effet une citoyenneté toujours à part.

On ne le sait que trop : deux millions de personnes handicapées vivent de minima sociaux, pensions et rentes inférieurs au seuil de pauvreté. Sous la pression associative, le très-droitier Nicolas Sarkozy, prédécesseur du socialiste François Hollande, avait tenu la promesse de revaloriser de 25% l’Allocation aux Adultes Handicapés. Mais pendant le quinquennat Hollande, rien d’autre pour l’AAH qu’une actualisation calquée sur l’indice des prix, et un gel pendant deux ans des pensions et rentes. Dans le même temps, le Revenu de Solidarité Active était, lui, revalorisé de 10% en plus de l’inflation, preuve qu’il y avait une volonté politique d’améliorer les ressources des plus pauvres. Pour sortir de la pauvreté, il restait aux allocataires handicapés, pensionnés d’invalidité ou rentiers pour accident du travail la possibilité de travailler contre un salaire. Sauf que durant ce quinquennat, le nombre de travailleurs handicapés privés d’emploi a augmenté de 50%, pour approcher les 500.000. Plus que les travailleurs valides, ils ont subi le choc et les conséquences de la crise économique, ainsi que les licenciements boursiers. Pourtant, les gouvernements du Président Hollande, qui a maintes fois réaffirmé sa volonté « d’inverser la courbe du chômage », n’ont lancé aucune action positive pour tenter d’améliorer le retour vers l’emploi de travailleurs dont une bonne partie est d’ailleurs devenue handicapée à cause même du travail. Au contraire, ces gouvernements ont pioché au pire moment dans les ressources des deux Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph et FIPHFP), qui financent des formations, des actions d’insertion dans le secteur privé ou public. C’est près de 200 millions d’euros qui ont ainsi été détournés des dispositifs pourtant inscrits dans la loi, privant les organismes oeuvrant à l’insertion des chômeurs handicapés des moyens qui leur étaient nécessaires.

On cherchera en vain la mise en oeuvre d’une action en faveur des personnes handicapées ayant obtenu un résultat positif, une amélioration du quotidien. Il ne restera rien de positif de ces cinq dernières années, seulement ce constat : que de temps perdu !

Laurent Lejard, avril 2017.

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