« Un chien, ça ne fait pas propre, c’est une mauvaise image. » Tels sont les motifs invoqués par le gérant d’un restaurant des environs d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) pour refuser qu’une aveugle dîne accompagnée, entre autre, de son chien guide. Clairement revendiqué, ce refus est passible d’une amende et de poursuites judiciaires. Pourtant, rien de tel ne se produira dans cette discrimination du fait du handicap survenue le 7 août dernier. Quatre jours auparavant, le personnel de la supérette Carrefour Express de Toulouse-Rangueuil (Haute-Garonne) réitérait son refus de la semaine précédente d’accepter le chien d’assistance d’un client handicapé moteur, accompagné cette fois de militants associatifs. La scène filmée puis postée sur des réseaux sociaux a été reprise par la presse, sans que pour autant le Procureur de la République se saisisse de l’affaire comme il en a le droit même si une plainte n’est pas déposée. Pas davantage qu’à Evry (Essonne) où une dame a dû laisser son chien d’assistance à l’entrée d’un Lidl.

Ni à Toulouse, ni à Aix-en-Provence, ni à Evry les pouvoirs publics n’agissent, comme s’ils n’étaient pas là pour protéger la population. Mieux, à Toulouse le policier qui a répondu au téléphone au client discriminé s’est finalement rangé à l’avis du gérant ! La Direction Départementale de la Sécurité Publique de Haute-Garonne dont dépend Police Secours (le 17) n’a toujours pas répondu à ces deux questions qu’on lui a adressées : « Confirmez-vous qu’un agent a autorisé le gérant du Carrefour Express de Rangueil à interdire l’accès de son magasin au chien d’assistance de Kevin Fermine ? Quelles dispositions la Direction départementale de la police nationale compte prendre pour rappeler aux agents les dispositions légales relatives aux animaux d’assistance aux personnes handicapées ? »

Les associations du secteur ont fait le choix de privilégier la discussion pour convaincre les propriétaires et gestionnaires de l’utilité des chiens guides d’aveugle ou d’assistance aux personnes handicapées motrices. Elles sont dans leur rôle et ont raison d’agir ainsi sur la centaine de signalements qu’elles reçoivent en moyenne annuelle pour chaque catégorie d’animal. Elles estiment régler par la pédagogie la quasi-totalité des refus, avec environ 5% « d’irréductibles ». C’est très peu, et pourtant significatif : un commerçant qui refuse un animal d’assistance ne respecte pas la loi, on peut se demander quelles autres lois et réglementations il enfreint. Nombreux sont d’ailleurs les propriétaires et exploitants de commerces ou établissements recevant du public à oublier de respecter la législation, pourtant amoindrie, sur l’accessibilité aux personnes handicapées. Ils ne risquent aucune sanction, ce n’est pas l’orientation actuelle de nos gouvernants qui ne jurent que par la pédagogie et le dialogue. De toutes façons, le fonds d’accessibilité universelle qui devait recevoir le produit des sanctions administratives infligées aux propriétaires et exploitants hors-la-loi n’a pas été créé, et de ce fait ces pénalités ne peuvent être perçues.

Pour ce qui concerne les animaux d’assistance, la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, Sophie Cluzel, a annoncé l’organisation prochaine d’une réunion de travail abordant les refus d’accès. Les victimes et les associations concernées sauront alors si leur ministre les défend, au-delà des belles paroles sur les vertus de la pédagogie. Mais on peut également penser qu’il est temps d’utiliser la balance de la justice pour établir une échelle de sanction judiciaire et de dommages et intérêts, comme l’ont fait des voyageurs para ou tétraplégiques interdits de vol par des compagnies aériennes. Cela n’a pas empêché de nouveaux abus mais en a limité le nombre, et les victimes en sortent, outre la dignité, avec autre chose que de plates excuses qui ne coûtent rien.

Laurent Lejard, septembre 2018.

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