Initiateur, au printemps 2023, d’une concertation nationale sur la création d’un droit-liberté de choisir sa fin de vie, le président de la République a mis brutalement fin, au soir du 9 juin dernier, à l’examen au Parlement du projet de loi qui en découlait. La faute à la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée Nationale résultant du laminage de son camp politique et du raz-de-marée de voix remportées par les deux partis d’extrême-droite, entraînant ainsi la mise à la poubelle d’années de travaux d’études et de réflexions sur un sujet qui fait pourtant consensus : quand on les interroge, nos compatriotes demandent à pouvoir mourir dans la sérénité, chez eux entourés de leurs proches, et au besoin avec « un coup de pouce » qui ne doit rien au destin. Ce choix a toujours heurté les religieux et réacs de tous poils qui prônent que c’est Dieu qui donne la vie et la reprend, y compris dans la souffrance. En quelque sorte, pour les religions, le corps des gens leur appartient.

Elles ont pourtant été rejointes par des activistes antivalidistes dénonçant un projet potentiellement eugéniste, permettant d’euthanasier à leur demande des personnes handicapées qui ne supporteraient plus les conditions imposées par une société qui compense mal les handicaps. Ces activistes argumentent sur la lassitude de devoir redire et prouver un handicap afin d’accéder à des allocations, aides et prestations, de chercher en permanence des personnels d’aide à domicile peu fidèles, et invoquent un risque d’extermination pour raisons économiques. « Dans un monde idéal, où les personnes handicapées seraient dignement aidées à vivre, l’aide à mourir irait de soi, exprimait l’une des Dévalideuses dans Politis en mars dernier. Mais dans le monde réel, libéraliste et validiste, cette mesure est une porte ouverte doucereuse sur l’eugénisme […] dans une société qui oeuvre tant à nous faire disparaître, symboliquement ou physiquement, nous ne sommes pas dupes : cette société fait le choix de nos morts. »

Ces propos sont assez proches de ceux de Marc-Henri d’Alès, militant actif de l’Office Chrétien des personnes Handicapées (OCH) : « Nous, les personnes handicapées, représentons généralement un poids financier non négligeable dans notre accompagnement au quotidien, tribunait-il dans le très droitier JDD du 1er juin dernier. Nous vivons généralement en marge de la société du fait de notre dépendance, peu de gens s’intéressent véritablement à nous et nous trouvent séduisants. Soyons vigilants et attentifs à ne pas faire de la vie une variable d’ajustement économique. » Dans la mouvance de l’OCH, on compte des militants actifs contre l’interruption de grossesse, qu’elle soit volontaire ou médicale, qui se sont retrouvés dans la Manif pour tous pour combattre le mariage homosexuel. Une masse de cathos réactionnaires, nostalgiques du pouvoir perdu de l’Église sur les âmes et les corps, et farouches opposants au droit des femmes (et donc également des hommes) à disposer de leur corps.

Or notre corps n’appartient ni à l’Église ni à l’État : nous en faisons ce que nous voulons, pour notre bien ou notre mal. C’est notre affaire, parce que notre vie et sa fin nous appartiennent, handicap ou pas. N’en déplaise aux extrémistes qui savent si bien se rejoindre sur notre dos !

Laurent Lejard, juin 2024.

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