Il y a vingt ans, la langue des signes était encore interdite dans certains pays européens. Aujourd’hui, elle est reconnue et acceptée. Les dirigeants des organisations de personnes sourdes ont reconnu le rôle de l’Europe dans cette évolution : elle n’est donc pas sans influence sur les conditions de vie des personnes handicapées. Avec un grand décalage dans le temps, cette influence se manifeste au moins à trois niveaux : les lois, les moyens financiers et l’opinion publique.

Les lois de l’Europe. C’est le 2 décembre 1996 que l’Union Européenne (UE) a radicalement modifié sa vision de la personne handicapée : son Conseil des ministres adoptait une communication sur l’égalité des chances. Ce texte renonçait à l’approche du handicapé qu’il faut aider à s’adapter à la société, optait pour une identification des obstacles qui empêchent une véritable participation des personnes handicapées et leur élimination pour une véritable égalité des chances. Cette communication partait aussi du principe que les actions sont d’abord du ressort des Etats. Le rôle de l’UE est de compléter les initiatives et non de supplanter les Etats.

Le principe de l’égalité des chances a été inscrit dans le Traité de d’Amsterdam qui est actuellement le texte de référence qui régit l’UE. D’autres textes concernant les personnes handicapées sont régulièrement approuvés par les institutions. La plupart sont des communications, c’est à dire des déclarations d’intention sans portée pratique immédiate. Par contre, d’ici quelques semaines, le Conseil des ministres européens devrait adopter une directive portant sur l’interdiction de toute forme de discrimination, y compris basée sur le handicap, en matière de recrutement et d’emploi. Les Etats seront obligés, sous peine de sanction, d’en appliquer le contenu. Plusieurs d’entre eux, dont l’Allemagne, rechignent à approuver de telles directives car ils ne veulent pas que l’Europe se mêle de leurs affaires sociales. D’autres Etats sont beaucoup plus avancés en matière législative : par exemple, en Grande Bretagne, le Discrimination Disability Act voté en 1995, et dont l’application sera progressive jusqu’en 2005, impose une série d’obligations aux employeurs, aux administrations, aux architectes, aux moyens de transports, etc. pour permettre une réelle participation de toutes les personnes handicapées à la vie culturelle, sociale et économique.

Des moyens financiers pour agir. L’Europe a également financé des associations de personnes handicapées et de professionnels pour participer à des projets européens. Depuis 1997, les possibilités se font plus rares mais début 2001, la nouvelle initiative européenne Equal sera lancée. Les associations de personnes handicapées sont particulièrement concernées mais elles devront se battre pour avoir des budgets : Equal est un programme de lutte contre toutes les formes de discrimination basée sur l’orientation sexuelle, la couleur de peau, l’origine ethnique, l’âge, le handicap, etc.

Le rôle de l’opinion publique. Il y a dix ans, les spécialistes et technocrates parlaient au nom des personnes handicapées. Aujourd’hui, on imagine mal une réunion sans elles. Cette évolution des mentalités doit beaucoup aux organisations et à l’appui de la Commission européenne même si son aide financière diminue au fil des ans et est encore plus menacée pour 2001. C’est en 1993 que fut créé le Forum européen des personnes handicapées qui, encore aujourd’hui, est le principal interlocuteur du Parlement et de la Commission. Grâce au Forum, des Conseils nationaux spécifiques ont été créés dans tous les pays de l’UE ce qui a permis de rassembler et renforcer les voix des personnes handicapées.

Entre le coeur névralgique de l’Europe à Bruxelles et les personnes handicapées dans leurs villes ou villages, la circulation des idées et des informations prend du temps mais l’impact sur l’opinion publique est réel. La première Journée européenne des personnes handicapées a été célébrée le 3 décembre 1993 à Bruxelles, par un grand rassemblement de personnes handicapées au Parlement européen : spectaculaire, émouvant, mais sans aucune retombée médiatique. Sept ans plus tard, les associations organisent une multitude de petites activités locales à l’occasion du 3 décembre. La Journée européenne est entrée dans les moeurs… sauf en France !

Yves Dricot, novembre 2000.

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