Les Jeux de Sydney avaient commencé sous de mauvais augures : dès le début de la compétition, quatre haltérophiles étaient suspendus puis renvoyés pour cause de dopage. On apprenait par la suite que des handiathlètes avaient été classés dans des catégories inférieures à celles qui correspondent à leurs capacités physiques. Enfin, le scandale final est venu d’Espagne : outre que l’un de ses nageurs, cinq fois médaillé d’or, fut terroriste pour le compte du Grapo, on apprenait à la fin du mois de novembre que son équipe de basket pour handicapés mentaux n’en comportait guère !

Un enjeu financier. La pression qui repose sur les handisportifs est forte. Les nations en compétition sont nombreuses, la concurrence est vive, l’intérêt croissant des médias entraîne l’arrivée des sponsors. Il faut obtenir des résultats, plus seulement pour la gloire, mais aussi pour l’argent. Pas énormément pour l’instant, mais ça vient. Les droits de retransmission télévisée des prochains Jeux de 2002, 2004 et 2006 ont été vendus au groupe américain WeMedia pour plus de 500 millions de francs. Une paille à côté des Olympiques, mais l’investisseur voudra certainement rentrer dans ses frais. Comment ? En exigeant du spectacle.

L’organisation des Jeux Paralympiques et des Jeux Olympiques est désormais confiée au même comité d’organisation. Leur coût a considérablement augmenté, conduisant les organisateurs de Sydney 2000 à demander aux handisportifs de payer un droit d’inscription de près de 5.000 francs. Il leur fallait accueillir 4.000 athlètes, leurs accompagnateurs et staff, les journalistes, les personnalités, tout comme les Olympiques.

Des handiathlètes professionnels. Pour accéder au plus haut niveau, les handisportifs deviennent des professionnels plus ou moins bien rémunérés. Le tennis a adapté ses structures, disposant d’un circuit « pro » avec tournois financièrement dotés. L’Angleterre fait un gros effort dans le domaine de la natation, l’Espagne s’appuie sur la richissime ONCE, gestionnaire à la fois d’une association d’aveugles et de la loterie nationale. En France, quelques handisportifs bénéficient d’un emploi aidé : ils sont salariés d’une entreprise tout en consacrant leur temps de travail à l’entraînement sportif. « Question fric, il y a autant de différence entre nous et les valides qu’entre ce que touchent les meilleurs athlètes du monde et les pros du foot » précise toutefois la nageuse Béatrice Hess, sept fois médaille d’or à Sydney (Le Pays de Franche-Comté, 9 octobre 2000). Pour obtenir ce résultat, elle s’est entraînée durant quatre années deux fois par jour, au milieu des valides.

Dopage et classification. Le dopage dans le handisport n’est pas récent, il est simplement plus visible. Aucun cas lors d’Atlanta 96, un seul à Barcelone 92, plus d’une douzaine lors de Sydney 2000 sur 600 contrôles. Le dopage concerne, selon le docteur Michael Riding, directeur médical du Comité International Paralympique, l’haltérophilie, l’athlétisme et le judo. On peut ajouter aussi le tir aux armes, nous apprennent quelques pratiquants marseillais, les ressortissants des pays de l’Est ayant apparemment l’habitude d’utiliser des méta bloquants pour réduire le stress de la compétition. Le basketteur Ryadh Sallem le revendique : « Comment voulez- vous demander à quelqu’un de faire une demi- douzaine de matches par semaine à fond, d’être tout le temps au meilleur de sa forme et lui dire en même temps : tu ne peux pas prendre ceci ou cela parce que ce n’est pas bien ? »

Le système actuel des classifications est contesté. Cinq athlètes ont été reclassifiés juste avant les compétitions de Sydney, d’autres (notamment parmi les chances de médailles anglaises) n’ont pu concourir. Le lanceur de poids indien Yadvendra Vashishta a été disqualifié après que les officiels se furent rendus compte que ce polio était dans la catégorie des amputés de jambe: il a du rendre sa médaille d’or, son record du monde étant effacé des tablettes. L’Espagne, quant à elle, a vérifié le vieil adage « la roche Tarpéienne est proche du Capitole », ou comment la troisième nation Paralympique au palmarès se voit suspecter de tricherie à grande échelle. Dix sur douze de ses basketteurs n’étaient pas handicapés mentaux (comment les officiels ne l’ont- il pas remarqué ?). La suspicion est jetée sur l’ensemble de la délégation espagnole : quatre autres de ses handisportifs sont sur la sellette pour le même motif en natation, tennis de table et athlétisme.

Le handisport est sorti de l’adolescence : les performances y sont maintenant remarquables et il a adopté les travers du sport spectacle. Une belle gueule de bois après l’euphorie…

Laurent Lejard, décembre 2000.

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