On le sait, le vieillissement de l’individu s’accompagne toujours d’une détérioration des fonctions motrices, sensorielles, mentales, psychiques ou métaboliques. L’ouie et la vue baissent, l’endurance à l’effort régresse, l’aptitude à supporter le stress et la fatigue nerveuse s’amenuise… Pour autant, ce processus normal de la vie humaine ne place pas forcément les personnes âgées parmi les personnes handicapées, même si leurs déficiences peuvent être identiques. Esquissons quelques pistes de réflexion.

Une vie abrégée. L’espérance de vie moyenne des individus poursuit sa progression dans la plupart des pays développés. Ce phénomène, mesuré pour l’ensemble de la population française, ne l’est pas pour les personnes handicapées. Si les chercheurs estiment que leur durée de vie augmente, du fait notamment des progrès médicaux et de l’amélioration de leurs conditions d’existence, aucune étude statistique ne vient encore étayer cette estimation. Selon l’étude en cours Handicap Invalidité Dépendance (HID) conduite par l’INSEE, il apparaît toutefois que la mortalité est 4 à 5 fois supérieure chez les personnes vivant en institutions (foyers, MAS, maisons de retraite, etc.) que la moyenne de la population, à âge égal. Rappelons que l’espérance de vie moyenne, en France, est de 82 ans pour les femmes et de 75 ans pour les hommes (projection INSEE pour l’an 2000). En ce qui concerne les personnes handicapées, des données plus précises seront peut- être publiées dans un an, dans le cadre de l’enquête HID.

L’accroissement du nombre de personnes handicapées vivant – et travaillant – dans un établissement pose de plus en plus la question du choix de vie : doivent- elles quitter dès 60 ans leur foyer, le Centre d’Aide par le Travail ou la Maison d’Accueil Spécialisée dans lesquels elles ont noué des amitiés, bâti un cadre de référence, vécu de nombreuses années, parfois même toute leur vie d’adulte. Pour aller où : dans la famille, une maison de retraite, un établissement spécialisé pour handicapés âgés ? Il n’y a pas de pratique nationale établie à ce jour, chaque département gérant la question presque au cas par cas. Des actions isolées sont parfois développées, à Tourcoing ou Paris par exemple. Dans le même temps, bien des départements, financeurs de nombreux établissements hébergeant des personnes handicapées, refusent de prolonger le séjour d’un pensionnaire au- delà de l’âge de 60 ans sans vraiment s’intéresser à leur devenir.

Une retraite unique. La réglementation fait qu’une personne handicapée percevant une prestation (AAH, pension d’invalidité) ou placée dans le secteur de travail protégé sera mise à la retraite d’office dès l’âge de 60 ans en bénéficiant d’une pension à taux plein (lire ce Focus de février 2001). Seuls les travailleurs reconnus handicapés en catégorie C par la Cotorep peuvent partir en retraite par anticipation, à l’âge de 55 ans. Cette disposition est- elle suffisante, combien de travailleurs handicapés accèdent- ils à la retraite, cotisent- ils à perte aux régimes obligatoires et complémentaires ? On ne le sait pas. La question du départ anticipé des personnes usées par le travail, soulevée par des organisations de défense telle la Fédération Nationale des Accidentés du Travail et des Handicapés (FNATH), commence à rencontrer un certain écho dans la population. Dans ce cadre, les personnes handicapées doivent- elles bénéficier d’un traitement de faveur ?

Il ne semble pas y avoir de réponse automatique : une activité professionnelle peut être la cause d’un décès anticipé, les mineurs et les travailleurs de l’amiante en sont des exemples marquants. La modulation de l’âge de fin d’une activité professionnelle est d’ailleurs en vigueur dans certains secteurs. Les militaires du rang peuvent prendre leur retraite dès 35 ans ce qui se justifie par la nécessité, pour la défense nationale, de disposer de soldats de métier en « bon état » (c’est du moins la doctrine en France). La revendication des chauffeurs routiers de partir en retraite dès 50 ans a mis en évidence que les dispositions prévues pour une profession jadis pénible (conducteur de train) ne semblaient plus adaptées à l’évolution du métier. On peut se demander s’il ne faudrait pas instituer un âge fluctuant de départ à la retraite des travailleurs handicapés, tenant compte de leur espérance de vie spécifique, d’une part du fait des séquelles résultant de tel ou tel handicap, et d’autre part des conséquences néfastes éventuelles de l’activité professionnelle sur la vie humaine. Pour simplement rétablir le droit à une retraite pour tous.

Laurent Lejard, octobre 2001.

Les conditions de vie des personnes handicapées vieillissantes seront à nouveau évoquées lors d’un colloque organisé par le Comité national de coordination de l’action en faveur des personnes handicapées (CCAH) qui se tiendra à l’Unesco les 4 et 5 décembre 2001 sur le thème « un choix de vie préservant la qualité de vie aux personnes… De la réflexion à l’action ». On y annonce notamment la participation de la secrétaire d’État aux personnes âges, Paulette Guinchard-Kunstler. À lire : « Les personnes handicapées vieillissantes », recueil des contributions et interventions au précédent colloque organisé par le CCAH en avril 2000 est publié aux éditions L’Harmattan.

Partagez !