« Mesurettes », le mot a été prononcé à plusieurs reprises par Geneviève Lévy elle-même, lors de la présentation à la presse de son rapport « L’accessibilité des transports aux personnes handicapées et à mobilité réduite ». S’il est étonnant d’entendre l’auteur d’un travail de propositions faire preuve de tant de modestie, à la limite de la dévalorisation, un examen attentif semble néanmoins justifier une telle approche.

La mission de la députée UMP du Var lui a été confiée le 6 août 2002 par le Premier Ministre Jean- Pierre Raffarin. Elle dresse un constat correct de l’état des lieux de l’accessibilité des transports, pointant les lacunes, les besoins, les réticences, les initiatives, la demande des usagers. Sa mission a été brève (six mois) sans être pour autant libérée de la totalité de son travail parlementaire, pour une matière complexe, difficile à traiter par un néophyte. Connaître la chaîne du transport et celle de l’accessibilité, identifier les difficultés, élaborer des solutions raisonnables est compliqué : l’empilage législatif et les conflits réglementaires qui en résultent ne permettent guère d’avancer. Par exemple, comment comprendre que le réaménagement d’un quai de gare ferroviaire ne nécessite pas de permis de construire et puisse déroger aux règles d’accessibilité contrôlées par les services qui le délivre ?

Un rattrapage nécessaire.
 Lors de leur travail d’étude au sein de la Commission des affaires sociales, les sénateurs qui ont planché sur la politique de compensation du handicap ont estimé nécessaire de voir inscrite dans la loi « l’obligation d’accessibilité des transports en Commun ». Ils proposaient également, dans un rapport rendu public le 25 juillet 2002, l’élaboration d’un « programme pluriannuel de mise en accessibilité totale des transports en commun à un horizon de dix ans, l’Etat participant sur une base contractuelle au financement des surcoûts occasionnés » et « une obligation d’achat de matériel accessible à l’occasion de tout remplacement ou de toute acquisition de nouveau matériel ».

Geneviève Lévy rappelle cet aspect parmi les rapports auxquels elle fait référence. Pourtant, elle ne reprend pas parmi ses propositions la nécessité d’un plan de rattrapage : « j’ai voulu être modeste dans ma mission, et proposer des petites mesures. Parallèlement à mon rapport, le travail de programmation fait partie des objectifs du ministre des Transports ». La députée estime toutefois : « la France n’est pas préparée à la mise en œuvre de la Directive Européenne sur les autobus urbains [transposée d’ici août 2003 en droit français, elle oblige les constructeurs à ne fournir que des autobus urbains accessibles correspondant à des normes précises NDLR], par l’adaptation de la voirie et des arrêts de bus. Je ne pense pas qu’une solution pouvait être trouvée dans le cadre de ma mission ».

De l’usage de la voiture. Palliatif à l’inaccessibilité des transports, la voiture individuelle est le moyen privilégié de déplacement de nombreuses personnes handicapées motrices. Une voiture qui leur revient cher, la fiscalité appliquée étant la même que pour les valides, TVA à 19,6% alors qu’elle est nulle en Angleterre, Italie, Belgique. Si Geneviève Lévy a conscience du coût excessif d’une automobile adaptée, c’est sur la seule (et éventuelle) boite automatique que la députée propose de ramener la TVA à 5,5%, et encore pas tout de suite : « Le ministre des finances m’a dit qu’en 2003 rien n’était possible. J’ai également consulté Marie- Thérèse Boisseau. Mais si c’était pour trouver une porte fermée au ministère des finances, ce n’était pas la peine. J’ai fait savoir au Président de la République, par l’intermédiaire de sa conseillère aux affaires sociales, Marie- Claire Carrère- Gée, que des mesures fiscales sont nécessaires pour que la priorité nationale voulue par Jacques Chirac soit crédible. Il faut être clair et je le suis ».

« Traiter de l’accessibilité pour tous, c’est agir sur les moyens nécessaires à mettre en oeuvre, explique Geneviève Lévy, pour que sans exclusion ni discrimination, tout citoyen qui se trouve en situation de handicap, définitive ou momentanée, puisse avoir la liberté de se déplacer et d’accéder à un lieu, à un espace, à un service, en toute autonomie ». Voici la liste intégrale des mesures qu’elle propose pour y parvenir :

Les mesures d’information et de conseil :
 Création d’une instance départementale de concertation animée par la DDE (Direction départementale de l’équipement) dont le « correspondant accessibilité » pilotera l’étude d’impact « accessibilité » du plan de déplacement urbain. Développement du pictogramme S3A (Unapei) sur les lieux d’accueil. Mise en oeuvre concertée d’une charte « Signalétique » commune aux opérateurs de transport. Création d’une équipe pour les différents modes de traduction pour les personnes sourdes et malentendantes.

Les mesures de prévention, d’anticipation et de concertation : 
Définition et reconnaissance des métiers de l’accompagnement. Procédure de dépôt de plainte auprès de l’autorité organisatrice pour les obstacles abusifs à la libre circulation des personnes à mobilité réduite. Rappel du principe de gratuité dans les transports publics pour le chien guide. Renforcement de la convention entre la FNACGA (Fédération des écoles de chiens- guides), le GART (Groupement des autorités responsables de transport) et l’UTP (Union des transports publics). Développement de la concertation pour l’octroi de licences taxis conditionnées. Formation des personnels d’accueil pour repérer et orienter les personnes avec une déficience mentale. Renforcement des expérimentations sur la mise en place de palettes sur les trains existants. Concertation pour la définition des cahiers des charges des matériels roulants. Renforcement de la réglementation en profitant de la transposition de la directive « bus et cars ». Création d’un comité consultatif national pour les aéroports de province. Renforcement de la réglementation maritime à l’occasion de la transposition de la directive européenne sur les prescriptions de sécurité.

Les mesures spécifiques et de civisme :
 Augmentation du taux des amendes de police pour les stationnements illicites sur les emplacements réservés aux personnes handicapées, sur les abaissés de trottoir et au droit des arrêts de bus. Reconnaissance de la profession de conducteur de transport spécialisé. Autorisation pour les véhicules de transport spécialisé d’utiliser les couloirs réservés. Harmonisation des conditions pour l’adaptation et la réception des véhicules de transport spécialisé. Examen de l’alignement des tarifs des transports spécialisés sur ceux des transports en commun. Examen de la gratuité des titres de transport « retour » pour les accompagnateurs. Reconnaissance du statut du chien- guide par un macaron. Non- obligation du port de la muselière. Création d’une flotte de taxis aménagés (aménagements de confort d’usage et aménagements complets pour les personnes en fauteuil roulant). Ajout de la boîte automatique à la liste des équipements spéciaux facilitant la conduite des personnes handicapées et soumis à une TVA au taux réduit. Intégration des réalisations de ADP (Aéroports de Paris) dans la centrale d’informations d’Ile-de-France.

Laurent Lejard, mars 2003.

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