Le 20 novembre 2001, un marathon de dix années prenait fin à la Commission Européenne. L’Europe adoptait enfin une réglementation commune déterminant, entre autres spécifications techniques, les conditions d’accès des autobus urbains aux personnes à mobilité réduite. La Directive 2001/85/CE du Parlement européen et du Conseil stipule dans son article 3 que les véhicules de la classe 1 (soit la plupart des autobus urbains) « doivent être accessibles aux personnes à mobilité réduite, y compris les utilisateurs de fauteuils roulants, conformément aux prescriptions techniques définies à l’annexe 7 ». Cette annexe décrit précisément les normes d’accessibilité à respecter et les aménagements à réaliser. Les Etats de l’Union Européenne conservent la liberté d’appliquer la même réglementation aux autocars. Chaque Etat devait, le 13 août 2003 au plus tard, transposer la Directive : « Les États membres adoptent et publient avant le 13 août 2003 les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission » (in article 8). Qu’a fait la France ?

Peu de choses pour l’instant. Le Ministère des transports s’est contenté d’autoriser la réception technique de véhicules conformes aux dispositions de la Directive (Arrêté du 12 mai 2003) sans lui donner un caractère obligatoire. En pratique, un réseau de transports urbains peut continuer à acheter des véhicules neufs inaccessibles et les constructeurs n’ont aucune obligation de ne vendre en France que des véhicules conformes à la loi Européenne. Cette inertie française est d’autant plus étonnante que le Ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, Gilles de Robien, avait inclus la transposition de la Directive Bus dans son programme de travail pour l’Année européenne des personnes handicapées annoncé à Beauvais (Oise) le 28 novembre 2002. Catherine Bachelier, Déléguée ministérielle à l’accessibilité (placée sous la tutelle du Ministère de Gilles de Robien) proclame pourtant que la directive 2001/85/CE « a bien été transposée dans les temps par l’arrêté du 12 mai 2003 modifiant l’arrêté du 2 juillet 1982 relatif aux transports en commun de personnes. Ce texte permet maintenant de réceptionner et d’importer des véhicules aménagés selon la directive 2001/85/CE ». Catherine Bachelier ajoute toutefois que des réflexions sont en cours concernant « l’opportunité de l’application obligatoire des exigences d’accessibilité de la 2001/85/CE en remplacement des exigences françaises, notamment pour les autobus urbains ». Et là on comprend mal : comment prétendre que la Directive est applicable en France alors qu’un groupe de travail discute du bien- fondé de l’application dans notre pays de la norme européenne ?

La présidente du Comité de liaison pour l’accessibilité du cadre bâti (Coliac), Catherine Chartrain, estime pour sa part qu’il s’agit d’une « transposition a minima ». Le Coliac a exprimé ses attentes dans un avis non daté adressé au Ministre des transports. Il rappelle notamment que le taux d’équipement des réseaux de transport collectif urbain en autobus à plancher bas était de 41% fin 2001. L’équipement moyen en palette et agenouillement (systèmes d’accès pour fauteuils roulants) était de l’ordre seulement de 15%. Le Coliac attirait aussi l’attention, entre autres points non traités par la Directive, sur l’absence de systèmes d’informations sonores et visuelles à destination des déficients visuels ou auditifs. La Secrétaire générale du Groupement des Autorités Responsables de Transport (Gart), Chantal Duchène, déplore que le gouvernement français ait pris du temps pour constituer un groupe de travail : « On s’y est pris au dernier moment, les discussions n’ont pu être menées à bien avant la date butoir d’adaptation nationale de la Directive européenne ». Responsable du pôle aménagement du Gart, Réginald Babin estime quant à lui que les annexes de la Directive sont des recommandations qui permettent une liberté d’appréciation. Selon lui, d’autres organismes ont la charge de définir les normes applicables. Chantal Duchène évoque aussi la nécessité de « définir une norme du fauteuil roulant devant être admis dans les transports en commun afin d’être compatible avec les ceintures de sécurité ». Cette demande de norme, un peu à la manière du bagage cabine admis dans les avions, est également formulée par la S.N.C.F et plus précisément sa mission voyageurs grandes lignes. En clair, le Gart souhaite qu’un fauteuil roulant type soit admis dans les autobus, ceux qui ne seraient pas conformes ne pouvant être transportés. Bref, le Gart a visiblement une conception bien à lui de la mise en oeuvre des dispositions de la Directive Bus !

Chargée du chantier de la transposition , la Direction des Transports Terrestres du Ministère des transports a organisé une réunion de travail le 25 juin dernier avec les constructeurs et les organismes représentant les exploitants et les réseaux. Benoît Dingremont, qui suit le dossier de la Directive au sein de la D.T.T, précise qu’elle a permis de dégager un consensus : « l’intégralité des dispositions de l’annexe 7 peut s’appliquer aux bus urbains. Seule une réflexion complémentaire est demandée sur la question des quatre places réservées surdimensionnées, des exploitants estimant que cela entraînerait une perte de sièges de l’ordre de 10% ». L’argument semblera curieux à tous ceux qui empruntent régulièrement des autobus Mercedes, dotés depuis plusieurs années de quatre sièges larges : les véhicules du constructeur allemand remportent d’ailleurs un franc succès sur le marché français. Mais selon Benoît Dingremont, le bout du tunnel est proche : un arrêté rendant obligatoire la mise en oeuvre des aménagements prévus à l’annexe 7 de la Directive européenne est en cours de rédaction et sa publication devrait intervenir dans le courant de l’automne. Il prévoit lui aussi une date butoir, le 1er février 2005. Entretemps, prendre le bus nécessitera encore bien de la patience…

Laurent Lejard, septembre 2003.

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