La loi d’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a été adoptée par le Parlement au terme d’un parcours chaotique de plus d’une année. La plupart de ses dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2006, sous réserve que les innombrables décrets soient publiés dans les délais. Dans le domaine de l’emploi, elle rétablit une égalité de traitement entre les secteurs public et privé. Sur le plan des principes, la discrimination est précisée par la loi : la différence de traitement en raison de l’état de santé ou du handicap ne constitue pas une discrimination dans la mesure où le médecin du travail propose des dispositions justifiées, et les mesures spécifiques destinées à favoriser l’égalité de traitement ne constituent pas une discrimination. Par exemple, des horaires de travail spécifiques dont bénéficieraient un travailleur handicapé ne sont pas discriminatoires s’ils permettent d’assurer des soins médicaux quotidiens. Les associations pourront poursuivre en justice les employeurs ou organismes de formation professionnelle qui auraient méconnu les droits d’un travailleur handicapé. Une négociation annuelle ou triennale, selon la taille de l’entreprise, portant sur l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi de travailleurs handicapés est instaurée entre syndicats et patronat. En matière de formation professionnelle, les actions de formation pourront être adaptées dans leur durée et leurs horaires, et des modalités particulières de validation des connaissances seront précisées par décret. Enfin, il ne sera plus nécessaire de demander une reconnaissance de qualité de travailleur handicapé pour bénéficier de l’obligation d’emploi qui est étendue aux allocataires adulte handicapé et aux titulaires d’une carte d’invalidité.

Rénovation de l’obligation d’emploi. Mesure phare de la nouvelle loi, les entreprises du secteur privé qui n’emploient aucun travailleur handicapé durant trois années consécutives paieront une contribution au Fonds d’insertion professionnelle, géré par l’Agefiph, proche du SMIC annuel : 1.500 fois son taux horaire. Si le système des unités bénéficiaires, reposant sur le classement en catégorie A, B ou C du travailleur handicapé, disparaît, une modulation du quota tenant compte de l’embauche de personnes lourdement handicapées sera instituée par décret. De même, la disparition au 1er janvier 2008 de la liste des professions exclues de l’obligation d’emploi s’accompagnera de règles de calculs particulières pour les employeurs. Les trois fonctions publiques (nationale, territoriale et hospitalière) se voient appliquer, à peu de chose près, la même obligation que le secteur privé. Un candidat handicapé ne pourra se voir opposer la limite d’âge prévue pour certains emplois, le recrutement et les épreuves des concours devront être aménagés en fonction des besoins des postulants. Cela va obliger l’Administration à comptabiliser précisément ses emplois, ce qu’elle ne parvient pas à faire actuellement et qui explique en grande partie que l’accord en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés signé en octobre 2001 par les syndicats et le Ministre de la fonction publique soit resté lettre morte. Les fonctions publiques se retrouvent dans une situation délicate : les recrutements dans le cadre commun sont restreints (le Gouvernement veut tenir la doctrine d’un seul remplacement pour deux départs) alors que la moyenne d’âge des agents handicapés est plus élevée que celle des valides. Sans véritable politique de recrutement, l’introduction d’une obligation d’emploi dans les fonctions publiques risque de se résumer à une simple sanction financière.

Réforme du milieu protégé. Les Ateliers Protégés deviennent des Entreprises Adaptées et sortent du secteur protégé pour intégrer le milieu ordinaire de travail. De ce fait, les dispositions du droit du travail s’appliquent à la relation entre l’employé handicapé et l’entreprise; cela concerne l’hygiène et sécurité, la liberté syndicale, etc. Les collectivités locales et les sociétés privées pourront créer des Entreprises Adaptées, au risque de générer une distorsion de concurrence soit du fait de leur statut de donneurs d’ordres, soit en produisant à coût réduit. La garantie de rémunération versée en Centre d’Aide par le Travail devrait être améliorée, mais là encore par décret à venir. Le travailleur handicapé percevra une rémunération dès la période d’essai; actuellement, le C.A.T n’est pas tenu de le faire et de multiples abus ont été rapportés, dénonçant notamment le renouvellement de la période d’essai initiale.

Une retraite hypothétiquement anticipée. Le dispositif de retraite anticipée à partir de 55 ans sera défini par décret; chaque trimestre de cotisations devrait être majoré afin qu’un travailleur qui a cotisé durant trente années puisse percevoir une pension égale à 50% du salaire de référence. Actuellement, la retraite anticipée pour 120 trimestres cotisés ne donne droit qu’à une pension égale à 37,5% du salaire de référence. L’impact de la mesure est contesté : elle concernerait 12.000 travailleurs handicapés selon le Premier Ministre, entre 4.500 et 6.900 pour la Confédération Générale du Travail, qui déplorait récemment que l’obligation de justifier d’au moins trente années d’invalidité à 80% exclue les accidentés du travail du bénéfice de la retraite anticipée.

Enfin, un décret devrait améliorer le barème de cumul entre un salaire et l’Allocation Adulte Handicap pour inciter des travailleurs handicapés à rechercher activement un emploi, puisqu’ils n’auront plus à craindre de se retrouver, en travaillant, avec quasiment le même revenu que s’ils demeuraient inactifs. Cette incitation sera peut-être la mesure la plus efficace pour réduire le chômage des travailleurs handicapés estimé entre 160.000 et 300.000 personnes selon qu’elles recherchent un emploi à temps complet ou partiel.

Laurent Lejard, février 2005.

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