On parle peu de Clermont-Ferrand, ou essentiellement quand le géant du pneumatique Michelin fait l’actualité. Pourtant, le 14 novembre dernier, la cité auvergnate a inauguré un tramway d’un nouveau genre, fonctionnant sur pneumatiques et guidé au sol par un galet sur rail. Si le principe est identique aux tramways de Caen et de Nancy, le procédé élaboré par le constructeur TransLohr est différent. Et l’ensemble de la première ligne de Clermont-Ferrand est accessible aux voyageurs handicapés, à la différence de son concurrent nancéen.

Cette réalisation a été conduite par l’autorité organisatrice, le Syndicat Mixte des Transports en Commun (S.M.T.C) qui intervient sur un territoire étendu sur 22 communes du département du Puy-de-Dôme, soit un potentiel approchant les 280.000 habitants. L’accessibilité est une problématique récente au sein du Syndicat qui a créé une commission au sein de laquelle siègent 60 associations départementales : « En pratique, commente Patrick Ferri, chargé de mission au S.M.T.C, les réunions de travail rassemblent une dizaine de participants, dont l’Association des Paralysés de France, le centre de rééducation des déficients visuels, l’Association Valentin Haüy, Gaipar, une association de sourds, Les Mains, etc.. Par contre, aucune association de malentendants ou de personnes handicapées mentales y participent ». Cette réalité traduit l’absence d’engagement, déjà constatée dans de nombreuses autres villes, de ces associations dans le chantier de la mise en accessibilité du cadre bâti ou des transports. « Au début, poursuit Patrick Ferri, les réunions étaient extrêmement tendues parce que sur le terrain il n’y avait pas grand-chose de fait, ni de politique vraiment définie ou d’actions structurées. Le dossier transport était une source de conflits. Le S.M.T.C avait conduit, sur le projet de ligne Léo 2000 [utilisant des bus à guidage optique Civis, matériel abandonné depuis N.D.L.R], une concertation et une écoute, en effectuant des essais et des tests, sans réussir à faire des miracles. Le travail a été réalisé en amont, cette fois, lors de la construction de la ligne de tramway et de la mise en accessibilité du réseau bus. Les associations réagissent sur nos projets, commentent les tests effectués sur des aménagements, elles sont une force de propositions. On fait valider les travaux par les utilisateurs, de manière pragmatique, même s’ils ne correspondent pas aux préconisations; parfois, nous devons réaliser des aménagements hors normes pour des raisons techniques ou éviter d’empiéter sur le domaine privé ».

Un modèle type de quai a été élaboré, intégrant les éléments mobiliers (abri, distributeurs automatiques de billets, signalétique) et de sécurité telle la bande de vigilance; d’ores et déjà, le S.M.T.C. refuse de financer un investissement si la commune concernée ne le retient pas. Une ligne est déclarée accessible lorsque tous les arrêts sont aménagés et les véhicules équipés d’une palette d’accès. À chaque fois qu’un arrêt pose un problème particulier, une enquête est conduite par les services techniques en liaison avec les associations. L’accessibilité repose également sur la formation des conducteurs, qui dépend de l’exploitant du réseau, T2C : « Je ne peux pas dire que 100 % des chauffeurs sont formés et vérifient le fonctionnement de la palette lorsqu’ils prennent leur service, précise Patrick Ferri. Mais on a mis en place un contrôle qualité du fonctionnement des équipements d’accessibilité, effectué par un organisme indépendant qui procède à des essais en ‘voyageur mystère’. Au démarrage de cette enquête, nous avions déjà un bilan positif à 95% sur les 3 lignes adaptées du réseau. Nous disposons d’un triple niveau de contrôle : l’organisme certificateur, les usagers, les associations. Tout cela permet un retour rapide et je suis immédiatement informé du moindre problème ». Le réseau clermontois fera l’objet d’un appel d’offres à la fin de l’année 2007. Dans le cahier des charges, l’accessibilité et la formation idoine des conducteurs seront incluses, pour lui donner une base contractuelle et en faire une obligation forte.

Véhicule de transport adapté Moovicité à Clermont.

Le schéma directeur d’accessibilité des transports instauré par la loi de février 2005 est préfiguré par le plan que le S.M.T.C a élaboré pour la période 2006-2010, qui prévoyait la mise en accessibilité d’une ligne par an. La nouvelle loi a changé la donne, et le Syndicat se fixe un objectif de 100 % de mise en accessibilité à l’horizon 2015 : « Le plan est une pédagogie, un apprentissage de la loi et du profit pour tous que représente l’accessibilité. Les élus sont encore à convaincre de cet intérêt particulier résultant d’un investissement élevé. Dans ce contexte, nous avons présenté notre candidature au Prédit pour répondre à un appel d’offres, et on a été choisi. Nous réalisons, à partir de notre expérience, une méthodologie de diagnostic et d’élaboration d’un schéma directeur d’accessibilité des transports en secteur urbain ». Cette étude doit être bouclée à la fin de cet hiver, puis mise à disposition des autorités organisatrices de transport en secteur urbain dès le printemps 2007. L’étude diagnostic, telle qu’elle a été conduite à Clermont-Ferrand, est placée sous l’égide d’un comite de pilotage auquel participent des associations de personnes handicapées. Elle définit les besoins de transport des personnes à mobilité réduite, l’offre existante en transports accessibles ou adaptés, recense les procédures mises en place par l’exploitant. Ce diagnostic permet d’établir des préconisations en matière d’adaptation du réseau et de complémentarité avec le service de transport spécialisé Moovicité. La méthodologie sera décrite en détail dans une approche « plug and play » pour servir d’outil aux autres autorités organisatrices de transport dans l’élaboration de leur propre schéma directeur d’accessibilité; il leur reste douze mois pour cela, alors que la plupart semblent encore attentistes.

C’est le cas du Département du Puy-de-Dôme, compétent en matière de transport ferroviaire local, et également de la S.N.C.F qui n’a pas voulu participer au diagnostic d’accessibilité. La ligne du tramway clermontois doit être prolongée à la fin 2007 jusqu’à la gare de desserte locale de La Pardieu, inaccessible, et pour laquelle la S.N.C.F et Réseau Ferré de France n’ont programmé aucun chantier pour combler cette lacune. Même chose à la gare principale dans laquelle les passagers qui ne peuvent emprunter les escaliers conduisant au passage souterrain sont contraints de traverser les voies ! Cette absence volontaire de participation de l’opérateur ferroviaire à l’étude conduite par le S.M.T.C risque d’ailleurs d’en réduire la portée aux secteurs urbains sans chemin de fer. Dommage…

Laurent Lejard, janvier 2007.

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