Se faire beau commence par la propreté du corps et des vêtements, la chasse aux odeurs indésirables (sueur, urine), en soignant sa peau, ses cheveux, son habillement. « Si on vit avec les autres, on se voit comme eux, estime la psychologue et psychanalyste Charlotte Dudkiewicz Sibony, ce rapport à l’autre est un miroir ». En clair, on restera sale et moche au milieu de gens qui le sont eux-mêmes. Si l’entretien du corps est une réalité perceptible, le concept de beauté est propre à chaque individu et participe à son bien-être, son équilibre. « L’esthétique fait partie de l’ensemble du processus de réinsertion dans la vie sociale, au même titre que la rééducation, la kinésithérapie, constate le Professeur Bernard Bussel, Chef de Service à l’hôpital Raymond Poincaré à Garches (Hauts-de-Seine). Dans ce processus, il est normal que l’apparence soit prise en compte ». Cet hôpital propose aux patients en traumatologie des soins gratuits de beauté, assurés par des esthéticiennes et financés par l’association Cosmetic Executive Women France (C.E.W). « Je vois les malades femmes ou hommes en sortir après les soins, poursuit Bernard Bussel. Ils sont rayonnants, parce qu’ils ont passé un moment hors de la maladie ».

Avec quelques produits et un peu de discernement, soigner quotidiennement sa peau est tout à fait possible dans sa salle de bains. Mais pour apprendre des gestes simples et trouver son style on peut s’adresser à un institut de beauté. Ce secteur reposant essentiellement sur des commerces indépendants, l’accessibilité des locaux et des installations n’est ni standardisée, ni quantifiable. C’est par exemple le cas avec l’enseigne Guinot, composée de revendeurs des produits de la marque, sans que celle-ci intervienne sur l’accueil de la clientèle en dehors de conseils en matière d’hygiène, de propreté et de présentation. En revanche, Denis Marque, Directeur de la franchise chez Simone Mahler, constate : « Tous les points de vente se doivent d’avoir une accessibilité, les mairies l’exigent lors d’une demande de permis de construire. Mais parmi l’existant, et notre réseau est ancien, rares sont ceux qui peuvent accueillir des personnes handicapées motrices ». Pas de balnéo ni de spa dans ces instituts, mais des tables de soins réglables en hauteur : « C’est systématique depuis deux ans, autant pour le confort du client que de l’employé ». Il en va de même chez Jacques Dessange, dont une centaine de salons de coiffure comportent un institut de beauté : « On est soumis aux normes pour la largeur des portes, l’accessibilité des toilettes, précise Charlotte Delsart, chargée de communication. On favorise l’accessibilité quand les locaux le permettent ». Côté bronzage artificiel, Point Soleil affirme que, dans ses nouveaux établissements, au moins une cabine est accessible en fauteuil roulant, les lits solarium sont à hauteur de fauteuil roulant. Il est préférable d’utiliser les machines à grande ouverture, dans lesquelles il est plus facile de s’installer.

De nombreuses esthéticiennes (la profession est presqu’entièrement féminine) oeuvrent à domicile, transportant leur équipement pour créer une véritable cabine d’esthétique à la maison : table de soins pliante (mais souvent trop haute pour un transfert aisé), malle à roulette contenant matériels et produits. Elles travaillent fréquemment sous contrat avec des laboratoires dont elles diffusent les produits ; par exemple, les 2.000 esthéticiennes « affiliées » par Auriège traitent annuellement 150.000 clients (dont 8% d’hommes). Les prestations peuvent être adaptées à la motricité du client, aux besoins particuliers liés à une affection invalidante, et ce en toute discrétion. Les soins de beauté à domicile sont particulièrement utiles en zone rurale ou dans les petites villes, où il est plus difficile de trouver un institut adapté mais plus aisé de garer un véhicule. Ces professionnelles peuvent aisément être identifiées dans l’annuaire téléphonique à la rubrique « esthétique à domicile ».

La clientèle masculine est marginale en institut de beauté, avec moins de 10 % de chiffre d’affaires. Pourtant, l’industrie cosmétique leur propose d’ores et déjà des gammes complètes de soins, à laquelle s’oppose une certaine image de la virilité dont la plupart des hommes sont encore prisonniers. Il faut savoir dépasser la simple utilisation d’un après-rasage, d’un déodorant et d’une eau de toilette ! Dans ce domaine, ce sont les jeunes générations qui montrent l’exemple : coiffures élaborées, barbes sophistiquées, soins du visage et du corps, musculation… Si le maquillage masculin est sorti des mœurs depuis plus de deux siècles, quelques hommes s’y essaient discrètement ; mais ces « métrosexuels », ainsi qu’on les appelle, se rencontrent peu en-dehors des grandes capitales.

Chacune et chacun peut trouver ce qui lui convient : il suffit d’essayer, oser, pour être belle ou beau, autrement. Reste que produits et soins de beauté sont assez coûteux, ce qui n’est guère compatible avec les faibles ressources de la plupart des personnes lourdement handicapées, celles qui en auraient pourtant le plus besoin…

Laurent Lejard, mai 2007.

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