Juste après l’origine, handicap et état de santé constituent le second critère de discriminations supposées (21%) selon l’analyse des saisines de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE). Cette autorité administrative conduit une enquête systématique et agit de plusieurs manières, en fonction de ce qui a été constaté ainsi que des réponses fournies par les mis en cause : médiation, délibération avec ou sans mention des personnes et organismes concernés, recommandation à l’administration ou aux pouvoirs publics, rapport spécial publié au Journal Officiel. Le rapport spécial n’est jamais anonymisé, à la différence de la délibération. La Halde n’a pas de pouvoir de sanction directe, mais peut saisir la justice ou présenter ses arguments lors d’une procédure judiciaire.

Si l’accès à l’emploi représente près de la moitié des saisines (45%), les biens et services suivent de près (39%). En matière de handicap, la Halde n’a élaboré qu’un seul rapport spécial, au sujet d’un sportif de haut-niveau déficient auditif auquel l’Education Nationale avait refusé une embauche contractuelle au motif qu’il ne pouvait justifier du brevet de sauvetage aquatique (or cette impossibilité était due à son handicap). Le Ministère de l’éducation nationale maintenant toujours que ses pré-requis sont justifiés, la victime a engagé une action devant la juridiction administrative, la Halde pouvant présenter ses arguments lors des débats.

La Haute Autorité est, par ailleurs, à l’origine de plusieurs modifications de lois et règlements. D’abord, pour les ressources des personnes handicapées, pour que les compléments d’Allocation Adulte Handicapé bénéficient également aux pensionnés d’invalidité : si la différence de traitement ne lui apparaissait pas discriminatoire au sens légal du terme, elle a toutefois recommandé au ministre délégué aux Personnes handicapées de réformer les conditions d’attribution des compléments « considérant le préjudice causé aux intéressés, et au regard de l’esprit de la loi du 11 février 2005 », sa délibération ayant été transmise au Conseil National consultatif des Personnes Handicapées (C.N.C.P.H). Le Gouvernement obtempéra dans les semaines qui suivirent, via la loi de finances 2007, et également sous la pression associative. La Halde s’est inquiété de l’absence de publication dans les délais prévus, résultant d’un désintérêt de l’administration de l’Etat, des décrets et arrêtés relatifs à l’accessibilité prévus par la loi de février 2005. Depuis, la plupart des textes ont été publiés ou sont entrés dans les processus de concertation associative, sauf pour ce qui concerne l’accessibilité du web et autres services de communication publique en ligne, domaine d’ailleurs ignoré par la Halde faute de réclamations ! Enfin, la récente loi, très controversée, relative au séjour des étrangers en France contient une exception « handicap » sur les ressources exigées d’un étranger demandant un regroupement familial (article L 411-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile); cette exception ne concerne toutefois que les allocataires adultes handicapés qui ne sont pas estimés dans « l’incapacité de se procurer un emploi », ce que la Halde déplore.

En ce qui concerne l’emploi, elle se heurte à l’inertie de l’administration : c’est le cas en matière de reprise d’ancienneté non rétroactive pour des travailleurs handicapés recrutés avant janvier 2005, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (D.G.A.F.P) « faisant le mort »; la Halde envisagerait la publication d’un rapport spécial pour faire évoluer la situation, alors que le plaignant a engagé un recours administratif. Face à l’entreprise privée, le résultat apparaît plus positif, comme dans cette saisine concernant un employé dont le contrat de travail était suspendu depuis 11 ans du fait de son invalidité : quand l’employeur s’est plié à la recommandation, le salarié a abandonné sa demande, il était resté trop longtemps éloigné de l’emploi et venait d’obtenir un classement en 2e catégorie d’invalidité… pour inaptitude au travail.

En matière d’accès aux biens et services, la Halde constate la survivance de vieilles pratiques, tel un refus d’accepter un chien d’aveugle dans un restaurant (qui s’est réglé sans procédure, le gérant informant son personnel) ou l’obligation faite à des aveugles de recourir à un mandataire avec procuration notarié pour effectuer des opérations bancaires; sur ce point, la Halde reste toutefois vigilante, certaines personnes invoquant parfois leur cécité pour affirmer ne pas avoir signé en pleine connaissance de cause un contrat ou un paiement. Mais elle a contraint le maire d’une commune, dont la mauvaise volonté lui avait valu des contentieux déjà anciens, à élaborer les conditions d’un accès correct à la voirie pour un administré déficient visuel. Quand à la municipalité qui a refusé qu’un enfant handicapé participe à un séjour loisirs, elle pourrait faire prochainement l’objet d’un rapport spécial, le maire s’étant réfugié dans le mutisme.

On le constate en analysant les décisions de la Halde, son efficacité est réelle bien qu’encore partielle. Et la publicité donnée à ses décisions, alliée à l’action de terrain, sont de nature à faire reculer les comportements discriminatoires du genre « cachez ce handicapé que je ne saurais voir »…

Laurent Lejard, décembre 2007.

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