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Question
: Vous venez d'ouvrir à Tournai une maison de services
sexuels pour personnes handicapées, comment s'appelle-t-elle ?
Dominique Alderweireld : Elle s'appelle "On
n'est pas des anges", pour interpeller les gens en disant
que les personnes handicapées sont comme toutes les autres personnes,
ont droit a des services sexuels. L'établissement du 14 rue Sainte-Catherine
n'est pas grand puisque n'y officient que deux personnes. Il est
ouvert tous les jours de 10h à 18h et nous collaborons avec un
service social qui achemine les personnes qui n'ont pas de moyen
de déplacement.
Question : De quelle nature sont ces "services"
? Jusqu'où vont-ils ?
Dominique Alderweireld : Ils ont le devoir d'aller jusqu'à
la jouissance de la personne. De la tendresse, bien évidemment,
il faut être courtois, il faut essayer d'avoir un dialogue. Je
pense que même quand il s'agit de personnes handicapées, il faut
séparer le sexe de ce que l'on pourrait qualifier de tendresse
ou d'amour, ce sont des choses tout à fait différentes. En général,
une affaire d'amour commence quand même par le sexe...
Question : L'établissement est ouvert à toutes les personnes
handicapées, Belges ou pas ?
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Dominique Alderweireld: Évidemment ! Et
nous refusons systématiquement les clients qui ne le sont pas.
Il faut qu'il reste uniquement au service des personnes handicapées
physiques ou mentales, aveugles, sourdes, tout ce qui est handicap,
y compris les seniors handicapés du fait de leur âge. J'ai commencé
à faire cela il y a deux ans, mais à domicile, ce qui semblait
logique. Mais le problème, c'est que je n'avais aucun contrôle
sur les hôtesses, et comme c'est un domaine quand même sensible,
je ne peux pas me permettre de faute. Or, j'ai eu un petit incident,
et j'ai dit stop tout de suite...
Question: Quelle est l'orientation sexuelle de l'établissement?
Dominique Alderweireld: Le but, c'est de faire jouir la personne
au sens physique du terme. Je vais être un peu direct et pragmatique:
si les personnes n'ont pas d'érection, on peut les faire jouir
par la prostate.
Question: L'établissement s'adresse donc surtout aux hommes...
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Dominique Alderweireld : Non, on a déjà
reçu une dame. J'offrais ce soin depuis longtemps dans mes autres
établissements mais ça posait un problème d'accès à cause
des marches, et aussi des hôtesses qui n'étaient pas préparées
à ce genre de travail. C'est pour ça que j'ai ouvert ce nouvel
établissement de façon qu'il soit bien spécialisé, avec des travailleurs
qui aient si possible une expérience médicale.
Question : Justement, quel est le profil de ces travailleuses
sexuelles ?
Dominique Alderweireld : Je ne peux pas actuellement le
donner, parce qu'il y a eu un tel roulement ! Au départ, elles
sont attirées par cette promotion sociale, et j'ai quand même
été très sélectif parce que j'ai eu quelques expériences régulières
avec des clients handicapés. Donc il faut quelqu'un qui a déjà
une petite expérience médicale, qui soit très patiente et qui
connaisse un peu ce monde.
Question : Faire venir une érection chez un homme paraplégique
et l'amener jusqu'à jouir nécessite une certaine pratique...
Dominique Alderweireld : Heureusement que beaucoup de dames
qui ne sont pas des hôtesses connaissent cette pratique, c'est
une pratique naturelle qui ne nécessite pas de formation.
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Question : Savez-vous qu'existe
en Suisse une formation d'assistance sexuelle ? Votre personnel
a-t-il été formé spécialement ?
Dominique Alderweireld : Je sais qu'elle existe, je crois
qu'elle a fermé [Vérification faite, elle fonctionne toujours
NDLR]. Mais là c'est impossible, matériellement. Il n'y a aucune
fille qui va vouloir aller en Suisse, et je pense que ce n'est
pas très technique. À partir du moment où vous avez l'écoute des
patients ou des clients, comme on veut, ça doit suffire. Et de
toute façon je ne peux pas me permettre matériellement de les
envoyer dans cette formation, et elles ne voudraient pas. En général,
ce sont des filles qui ont déjà une vie familiale, elles habitent
sur place, je me vois mal les envoyer en Suisse.
Question : Il existe un phénomène sexuel un peu particulier,
l'attirance de certaines personnes pour des personnes handicapées
du fait de leur handicap, avec parfois des pratiques sexuelles
atypiques...
Dominique Alderweireld : Je ne vais pas me lancer là-dedans.
Question : Mais votre personnel a-t-il cette attirance
?
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Dominique Alderweireld : Pas du tout !
Ma sélection, c'est que la personne ait une petite expérience
notamment avec les personnes âgées, parce qu'au niveau de l'hygiène
c'est très important : je ne veux pas être plus explicite. Et
après, qu'elle soit gentille. Maintenant je vous dirai que le
physique, il faut quand même qu'elle soit attirante, ce n'est
pas mon premier critère. Mais si elle a des sexualités bizarres,
quelques perversions, c'est un refus complet, je ne veux surtout
pas me permettre cela avec des personnes handicapées, au niveau
de la commune, des associations de personnes handicapées.
Question : Concernant les prestations, vous évoquiez la nécessité
de prendre du temps, ce qui est rare dans ce type d'activité où
le temps c'est de l'argent. Est-ce qu'elles coûtent plus cher
?
Dominique Alderweireld : La prestation coûte 100€ pour
trois quarts d'heure et 140€ pour une heure et demie. Une heure
et demie, cela veut dire que la personne a deux jouissances. Un
coït ordinaire, c'est onze minutes; donc vous voyez, on a trois
quarts d'heure, on est bien au-dessus des normes !
Question : Que disent les associations belges de personnes
handicapées ?
Dominique Alderweireld : J'ai des rendez-vous prévus avec
elles. J'ai déjà rencontré le bourgmestre et l'échevine, qui sont
des gens qui sortent du monde du handicap, cela ne les dérange
pas du tout, au contraire ils m'ont même donné des renseignements.
Maintenant, j'ai un petit conflit avec les anciennes du groupe
socialiste, mais ce n'est pas la première fois...
Question : Vous avez suivi le débat français sur l'assistance
sexuelle ?
Dominique Alderweireld : Je m'y suis intéressé. Le débat en
France est complètement bloqué, il n'y aura jamais aucune évolution,
c'est la même chose que pour la prostitution ordinaire. Le mariage
homosexuel existe en Belgique depuis 2003, il n'y a jamais eu
de manifestation, ça ne pose pas de problème. En France, je le
répète, on a une société complètement bloquée, l'assistance sexuelle
ne passera jamais. On fait des discours et puis c'est tout, mais
dans dix ans on sera dans la même situation.
Propos recueillis par Laurent
Lejard, janvier 2015.
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