Martine, myopathe, veut continuer à vivre chez elle. Elle est stabilisée médicalement à son domicile, entourée par ses proches à Voiron (Isère). Pour sa famille et le personnel soignant, cette « hospitalisation à domicile » est une totale réussite médicale et humaine pour un coût maîtrisé. Pourtant, cela ne sera plus possible : le financement des deux auxiliaires de vie qui lui sont nécessaires est refusé par la Sécurité Sociale.

Depuis 18 ans, un fonds de secours exceptionnel de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de l’Isère permettait de financer ce maintien à domicile, en complément des aides légales. Mais cette année, tout a été remis en question : « le comité regrette de ne pouvoir donner suite à votre demande, celle- ci ne correspondant plus aux critères stricts de prise en charge imposés par le budget limité de la caisse primaire pour son action sanitaire et sociale ». Une réponse au moyen d’une lettre type, pour une réalité douloureuse. L’allocation compensatrice tierce personne perçue par Martine (760 euros soit 5.000 francs), ne peut suffire à couvrir les 2.500 euros (16.000 francs) que coûtent chaque mois les auxiliaires de vie. Sans complément, Martine ira dans une institution située à 1000 km de sa famille : aucun établissement isérois ne peut l’accueillir. A près de quarante ans, elle est confrontée au non- choix : partir et se retrouver seule là- bas, plutôt que continuer à vivre sa vie sur Voiron, au milieu de ses parents et de ses amis. L’enjeu est important : rester maître de sa destinée et se battre avec les administrations ou plier et être dépossédée de son choix de vie.

La mairie de Voiron entame des démarches, des courriers sont envoyés à la CPAM, à la direction de la santé et de la solidarité et à l’AFM. La CPAM a- t- elle conscience qu’en agissant de la sorte elle place Martine, et toutes les personnes handicapées dépendantes, en situation difficile ? Le service social de la Caisse Régionale d’Assurance Maladie précise : « en tant que service social, nous activons tous les fonds de secours possibles pour financer les auxiliaires de vie et maintenir cette personne à son domicile. Cependant aujourd’hui les difficultés financières entraînent une diminution des aides. Les dossiers que l’on monte, passent en commission, mais là ce sont les administrateurs de la CPAM qui décident ». Le refus est-il définitif ? « On va reconstituer un dossier pour le semestre 2001, mais c’est vrai qu’on est inquiet. Le dossier sera soumis à l’appréciation des administrateurs lors de la commission. La situation est complexe, mais ce n’est pas un cas isolé ».

Aujourd’hui, la Sécurité Sociale veut expatrier Martine de chez elle pour l’institutionnaliser dans un établissement spécialisé près de Caen : cela coûtera 2.000 euros (13.000 francs) de plus chaque mois à la Sécurité Sociale ! Pourtant, le plan triennal 2001- 2003 lancé par le gouvernement comporte un volet consacré au maintien à domicile : 28 millions d’euros (185 millions de francs) pour la généralisation à tous les départements de « sites pour la vie autonome », 30 millions d’euros (200 millions de francs) pour le développement des services d’auxiliaires de vie, etc. L’État finance aujourd’hui 1.850 postes d’auxiliaires de vie (nombre inchangé depuis 1983) et propose de financer 5.000 postes à l’échéance de 2003. Alors pourquoi dans le même temps des prises en charge accordées depuis 18 ans sont- elles supprimées ?

Cette incohérence dans la gestion et la répartition des budgets sociaux fait une victime : Martine Foulon, qui veut que son choix de vie soit respecté. Elle n’est pas la seule…

Charlotte Chamarier, décembre 2001.

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