L’association Elus locaux contre le sida a fait réaliser un spot de publicité (que l’on peut découvrir en ligne dans différents formats) présentant un homme séropositif – les personnes touchées par le VIH peuvent obtenir la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé – qui rencontre le Maire de sa commune pour lui demander un emploi. L’édile, après avoir proclamé son grand intérêt pour les personnes séropositives et les malades du Sida, change d’attitude et congédie son concitoyen après quelques pitreries dès qu’il apprend que c’est pour la municipalité que le candidat séropo envisage de travailler. Le spot se termine par ce texte, « Aujourd’hui les pouvoirs publics soutiennent la réinsertion professionnelle des séropositifs et des malades du Sida… chez les autres ». Le Bureau de Vérification de la Publicité (BVP) a décidé, le 2 décembre dernier, de refuser sa diffusion télévisée au motif qu’il serait « attentatoire au crédit de l’Etat ». Et justement : qu’en est- il de l’effort de l’Etat en matière d’emploi des personnes handicapées ?

En octobre 2001, le précédent ministre de la Fonction publique, Michel Sapin, signait avec cinq des sept fédérations syndicales de fonctionnaires un protocole d’accord en faveur de l’emploi des personnes handicapées dans la fonction publique de l’Etat (lire ce Focus). Signait, c’est beaucoup dire, « les négociations ont été bilatérales, il n’y a eu aucune réunion de travail avec le Ministre et l’accord a été conclu par échange de fax » précise Gilbert Castelli, de la Fédération Syndicale Unitaire, signataire du protocole. « Cela fait trois années que le Conseil Supérieur de la Fonction Publique n’a pas eu connaissance du rapport annuel sur l’emploi des travailleurs handicapés institué par la loi de 1987. Le ministère de la Fonction publique ne nous a pas communiqué d’éléments d’informations relatifs aux actions que les ministères doivent mettre en place en application du protocole ». A la CGT Force Ouvrière, qui n’a pas signé le protocole, Jean- Pierre Spencer dit en être « exactement au même point. Nous n’avons aucun retour d’informations sur l’application de ce protocole ». Pour la CFTC, Yves Missaire constate également qu’il « n’y a pas grand chose de fait. Nous insistons particulièrement pour que soient fournies des statistiques d’emploi, ce que les ministères sont incapables de faire ».

Côté réglementation, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique nous précise qu’une circulaire cosignée par le ministère de la Défense et des anciens combattants et celui de la fonction publique organise l’apurement des listes d’aptitude des travailleurs handicapés en attente de nomination : plus de 5.000 d’entre eux ont perdu leur droit à recrutement parce qu’ils ont postulé avant 1990 à un emploi réservé obsolète ou qui n’existe pas dans le département demandé. Environ 600 de ces travailleurs devraient bénéficier d’une remise à niveau et d’actions de qualification professionnelle au terme d’une convention signée avec l’Office National des Anciens Combattants. Près de la moitié des ministères concernés auraient élaboré un plan en faveur de l’emploi, mais leur teneur n’est pas connue.

Les organisations syndicales devraient être informées de l’avancement de la mise en oeuvre du protocole d’accord lors d’un comité de suivi qui devrait être convoqué d’ici à l’été prochain. Les chiffres qui seront alors communiqués concernent l’an 2000, les ministères tenant le compte de leurs emplois « à la main », par mode déclaratif, sans informatisation. Et si le recrutement au titre des emplois réservés est supprimé depuis le 1er janvier 2002, les textes relatifs à la suppression des Cotorep de Service public sont encore en cours d’élaboration.

Déficit d’information, lenteur de mise en oeuvre, incapacité à produire une comptabilisation fiable des emplois, l’Etat et ses services sont dépassés en matière d’emploi des personnes handicapées. Qui viendra censurer cette « atteinte au crédit de l’Etat » ?

Jacques Vernes, janvier 2003.

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