Le Label Tourisme et Handicap est une pure création politique : il a été voulu et défini par la précédente Ministre du tourisme, Michelle Demessine. Nous l’avions alors salué d’un Top interrogatif : le travail d’évaluation de l’accessibilité devait n’être confié qu’à des bénévoles pour une mission de trois ans. Où en est-on à un an de l’échéance ?

Quasiment au point de départ : 134 sites ont été labellisés au lieu des 2.000 prévus, l’association gestionnaire du label ne fonctionne toujours qu’avec une seule employée et des dirigeants bénévoles, les relais régionaux commencent à peine à se mettre en place selon la secrétaire générale de Tourisme et Handicaps, Annie Bertholet. Dès le départ, Michelle Demessine a opté pour le volontariat. Une autre voie était pourtant envisageable, celle de l’association professionnelle certificatrice de type « Clévacances » ou « Logis de France ». Ces organisations obligent à contracter un abonnement, à respecter un cahier des charges strict dont la vérification est assurée par des contrôles inopinés. La plaque ou l’agrément est retiré en cas de manquement. Les associations qui gèrent ces labels disposent, du fait même de leur modèle économique, des moyens d’effectuer un travail sérieux et d’assurer une promotion efficace. Alors que Tourisme et Handicap ne perçoit qu’une redevance de 150 euros pour cinq ans par site labellisé !

« Le ministère du tourisme est propriétaire du Label, nous ne pouvons pas modifier les conditions de son utilisation, précise Annie Bertholet. Nous sommes tributaires de la mise en place de structures locales, départementales et régionales. La prise en compte du Label sur le territoire national est inégale, elle ne peut avancer qu’au rythme des mentalités ».

Une prise en compte aléatoire. Plusieurs départements et régions ont pourtant affiché en 2002 une volonté de mettre en oeuvre des actions de labellisation : Pyrénées- Atlantiques, Aude, Pyrénées- Orientales, Réunion, Ile de France, Rhône- Alpes, etc. En Provence- Alpes- Côte d’Azur, le dispositif se met actuellement en place : l’évaluation reposerait sur des « bénévoles d’associations professionnels à mi- temps ». Il leur est demandé un travail de deux ou trois jours par semaine pour aller évaluer des sites et effectuer un important travail administratif, moyennant une rétribution de 50 euros versée à l’association du bénévole par lieu visité. Seuls des valides ont été sollicités dans un premier temps, afin qu’ils puissent se rendre partout; devant leur peu d’empressement, des personnes handicapées sont maintenant recrutées. Dans les Bouches- du- Rhone, le département a refusé de relayer le Label et élabore son propre système : des évaluateurs, évidemment bénévoles, visitent tous les sites et lieux publics pour rédiger une fiche type qui alimentera une base de données consultable sur Internet dans le courant de 2004. Au Service des personnes handicapées du Conseil Général, on précise que le Label est estimé contraignant, restreint aux seules activités touristiques et on refuse de payer le coût de formation des évaluateurs, estimé trop élevé. Dans le Nord, département pionnier en matière de tourisme des personnes handicapées, plus de 300 sites accessibles sont répertoriés par le Comité départemental de tourisme et figurent dans les documentations standard : hélas, le barème employé, élaboré à l’initiative de l’APF, n’a pas été validé par l’association Tourisme et Handicaps, ce qui ne permet pas de décerner aux sites nordistes le label Tourisme et Handicap, situation ubuesque ou kafkaïenne, question de point de vue…

Lourdeur bureaucratique.
 Dans l’Aude, cinq évaluateurs bénévoles et un « technicien du tourisme », rémunéré, effectuent les visites. Le Comité départemental de tourisme a effectué en début d’année une information auprès des professionnels : 80 ont répondu favorablement, les premières visites ont eu lieu en avril 2003. Une dizaine de dossiers ont été bouclés, présentés en commission départementale puis en commission régionale pour aboutir, le 18 juin, à la commission nationale. « Il faut deux mois pour présenter un dossier, la procédure est complexe et lourde, précise la chargée de mission Tourisme et Handicap du CDT, le guide d’évaluation à remplir lors de chaque visite fait une vingtaine de pages. Il faut compter une journée de travail pour un seul site visité, à laquelle s’ajoute une demi- journée d’administratif pour une employée du CDT. Chaque visite doit être effectuée par deux évaluateurs : récemment, l’absence d’un bénévole associatif, malade, a entraîné le rejet des dossiers, il faut recommencer les visites ». Situation également vécue dans le Nord, complète Valérie Martin, du CDT : « l’APF a effectué des visites sur 80 sites, tous ses dossiers ont été rejetés parce que les visites n’ont pas été effectuées en binôme bénévole associatif- professionnel du tourisme ».

Il était inévitable que le dossier Tourisme et Handicap échouât sur le bureau du Secrétaire d’Etat au tourisme, Léon Bertrand. Alerté par des professionnels de terrain, ainsi que par des élus et des parlementaires, qui lui ont fait part du constat présenté ci- avant, le ministre a réuni le 6 juin 2003 les acteurs de la labellisation : ils ont « souligné la nécessité d’une harmonisation et d’une clarification des modalités d’obtention du Label » indique le communiqué du Ministre. S’il n’envisage pas de dégager des moyens financiers et humains, une réforme du dispositif de labellisation est à l’étude, tenant notamment compte de la future décentralisation qui rattachera la cheville ouvrière du Label, chaque Direction Régionale du Tourisme, aux Conseils Régionaux; cela pourrait rendre la labellisation dépendante des volontés politiques locales et introduire une inégalité de traitement. « Il devient nécessaire d’expérimenter de nouvelles solutions, estime Thierry Terrier, conseiller technique au cabinet du Secrétaire d’Etat au tourisme. Sans détruire le volontariat, en évoluant vers une norme, un règlement ou une certification. Le débat reste ouvert, je le dis franchement nous avons des inquiétudes, nous n’avons que peu de temps, d’ici au terme de la convention qui lie l’association Tourisme et Handicaps et l’Etat et avec la mise en oeuvre de la décentralisation. Dans ce cadre, il est urgent de réfléchir aux conditions d’octroi du Label et à la mission de l’association Tourisme et Handicaps. Le ministre rend hommage au travail réalisé par cette association, mais les procédures sont actuellement lourdes, nous devons les alléger. Le Label est une excellente idée qu’il faut préserver tout en garantissant une mise en oeuvre nationale ». Un groupe de travail restreint à quelques spécialistes aura la charge de définir la continuation de cette action marquée désormais clairement d’un Flop retentissant…

Laurent Lejard, juin 2003


Une liste des sites labellisés au 5 mai 2003 est téléchargeable au format rtf en suivant ce lien. Vous aurez par ailleurs remarqué que le nom de l’association Tourisme et Handicaps prend un s alors que le label n’en prend pas : cette curiosité trouve son origine dans le montage administratif de l’opération…

Par ailleurs, Martine Renard, Présidente de l’Association pour la Réadaptation et la Défense des Devenus Sourd (A.R.D.D.S), ex-membre de la Commission Tourisme et handicap, apporte, dans ce courrier reçu à la Rédaction, des informations complémentaires relatives aux sourds et aux malentendants.

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