Les projets de décrets réglementant, à compter du 1er juillet 2005, les conditions d’octroi de l’Allocation Adulte Handicapé (A.A.H) et des deux compléments institués par la loi Montchamp, étaient très attendus. Lors de leur présentation le 18 mai 2005 au Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (C.N.C.P.H), les associations nationales ont demandé au Gouvernement de revoir sa copie. Le Groupement pour l’Insertion des personnes Handicapées Physiques (G.I.H.P) constate « un grave recul […] tout ceci altère l’effet utile d’une loi tant attendue et qualifiée d’innovante et audacieuse par le Président de la république ». L’Association des Paralysés de France (A.P.F) dénonce « un projet non- conforme aux engagements gouvernementaux », ajoutant : « Certaines mesures proposées, non seulement ne vont pas dans le sens d’une amélioration des conditions de vie des personnes, mais en plus sont en recul par rapport au dispositif dont bénéficient les personnes actuellement ». « On a été écoutés, mais pas entendus, commente Marcel Royez, Secrétaire Général de l’Association des accidentés de la vie (FNATH). On attend des améliorations, on est encore dans la phase où tout est possible ».

« Je suis prête à ouvrir une discussion globale sur le sujet des ressources », affirme Marie- Anne Montchamp. La Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées est visiblement déçue par les vives réactions du monde associatif : « Il ne faut pas entrer dans un champ de défiance. Le Gouvernement n’a pas l’intention de détourner la loi, il n’y a pas de trahison, je tiendrai les engagements pris. Mais j’ai besoin que les associations nationales acceptent le partenariat social ». D’autant que la Ministre précise être tributaire d’un système d’informations partielles sur la situation des personnes handicapées. Et rejette l’accusation portée sur la « technostructure » qui imposerait son application de la loi : « La technostructure fait ce qu’on lui dit de faire. Mais je n’ai pas toutes les données, on peut encore améliorer les choses. Il faut également discuter avec Bercy [Ministère des finances N.D.L.R]. Tout le monde n’est pas prêt à faire des efforts en faveur des personnes handicapées ». Marie- Anne Montchamp devrait annoncer dans les prochains jours ses arbitrages sur les points délicats des décrets A.A.H.

Contenu provisoire des projets de décrets :

– Les ressources prises en compte pour calculer le montant de l’allocation restent les mêmes; or, cela entraînera à court terme la suppression de l’A.A.H pour les personnes qui disposent de forfaits grande dépendance et salarient leur conjoint en tant qu’aide à domicile.

– Les allocataires hébergés en Maison d’Accueil Spécialisé, en établissement de soins ou emprisonnés conserveraient, frais de séjour déduits, 30% de leur allocation (la part minimale d’allocation est portée à 40% pour ceux qui travaillent) au lieu de 12% actuellement; cette disposition entraînerait une forte réduction de l’A.A.H versée aux personnes hospitalisées après le 1er juillet 2005 et exemptées du forfait hospitalier : actuellement, elles perçoivent 80 ou 65% de l’allocation.

– La garantie de ressources, complément qui devait amener l’allocation à hauteur de 80% du Smic net soit 728€, est fixée en valeur et revalorisable chaque 1er janvier. Dès sa création, elle serait décrochée de la revalorisation du Smic qui intervient traditionnellement le 1er juillet. Cette garantie de ressources devrait concerner peu de monde : les bénéficiaires devront justifier d’une capacité de travail inférieure à 5%, alors que celle qui est requise pour entrer en Centre d’Aide par le Travail est d’au moins 5%. Et on leur demande de justifier d’une année de chômage !

– L’autre complément de 100€ (Majoration Vie Autonome) est presque identique à l’actuel (leurs bénéficiaires pourront continuer à le percevoir jusqu’au moment où ils seront éligibles à l’un des nouveaux compléments ou pour la durée restante d’attribution). Les Caisses verseront d’office la M.V.A aux allocataires justifiant d’une année sans emploi, ne travaillant pas et percevant une aide au logement.

– Les personnes qui, dès la publication des nouveaux décrets, demanderont l’A.A.H pour une invalidité comprise entre 50 et 79% devront justifier d’une période préalable de deux années entières sans emploi. « Cela revient à imposer un délai de carence de deux ans », constate Marcel Royez.

– Le cumul entre un salaire et l’allocation est amélioré. En pratique, un travailleur à temps plein payé au Smic toucherait 120€ d’A.A.H. Selon le cabinet Montchamp, le cumul maximal devrait atteindre 115% du Smic (salaire + résidu d’allocation). Alors qu’une A.A.H complète majorée d’une allocation logement approche le Smic net, et qu’il est dépassé avec la Majoration Vie Autonome ou le nouveau complément, on peut douter de la réalité d’un effet incitatif à travailler.

– La part déductible d’une rente constituée par une personne handicapée pour elle- même demeure inchangée, fixée depuis le 1er juillet 1990 à 1.830€.

– La simplification des modalités de calcul entraîne, « à ressources égales, une diminution de l’A.A.H de l’ordre de 14 euros par mois pour tous les bénéficiaires qui justifient de ressources », précise une note de la Caisse Nationale d’Allocations Familiales. Son Conseil d’Administration a, le 10 mai dernier, approuvé les projets de décrets par 6 voix contre 3… sur 23 votants !

Laurent Lejard, mai 2005.

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