Rappelez-vous, c’était le 28 novembre 2002, à quelques jours du lancement de l’Année Européenne des Personnes Handicapées : Gilles de Robien, alors ministre des transports, de l’équipement, du logement, du tourisme et de la mer, érigeait Beauvais (Oise) en ville-pilote de l’accessibilité. Maire d’Amiens, Conseiller Régional de Picardie et Député de la Somme, avant de siéger au gouvernement à partir de juin 2002, Gilles de Robien pensait ainsi servir sa région d’élection. La suite des événements nous a fait constater, un an plus tard, que l’écart entre le discours et les actes était gigantesque : Beauvais était livrée à elle-même, sans soutien de l’État ni du Ministre qui l’avait distinguée.

Dans le même temps, l’Université de Picardie lançait, à l’I.U.T de Beauvais, une formation destinée aux professionnels du tourisme : « Accueil professionnalisé des publics à besoins spécifiques ». Il s’agissait de former les futurs cadres exploitant des structures touristiques à l’organisation de l’accueil des personnes handicapées et à la création de services adaptés à leurs besoins dans le cadre d’activités touristiques. Les premières sessions ont recueilli l’engouement des étudiants, les débouchés professionnels étant assurés dans ce domaine. « Les étudiants de la première promotion ont tous trouvé un emploi correspondant à leur formation », affirme la fondatrice du Diplôme, Véronique Luce, enseignante en tourisme au Lycée Charles de Gaulle à Compiègne. Mise à disposition durant trois ans par le Rectorat, elle a dû, à la rentrée de septembre 2005, réintégrer son établissement d’origine : l’Université affirme ne pas avoir les moyens financiers de prendre le salaire de l’enseignante en charge, alors qu’elle est le pilier de la formation ! Dans l’attente d’une habilitation nationale, cette formation était sanctionnée par un simple Diplôme d’Université. L’Université a déposé à deux reprises, en 2004 puis 2005, un dossier d’habilitation de Licence Professionnelle auprès du Ministère de l’éducation nationale : ces deux demandes ont été rejetées, pour des questions de forme essentiellement (composition des équipes pédagogiques, questions administratives, etc.). Et à la rentrée d’octobre 2005, l’Université de Picardie a supprimé un Diplôme d’Université qui n’entre pas dans ses objectifs prioritaires. Résultat : la seule formation diplômante disponible en France dans le domaine du tourisme adapté passe à la trappe.

Gilles de Robien, qui est devenu ministre de l’Education nationale lors du changement de gouvernement de juin 2005, avait affirmé, lors de sa conférence de presse consacrée à la rentrée scolaire des élèves handicapés, ne pas être informé de ce « désastre picard » : une trentaine de postulants renvoyés vers d’autres formations, une équipe pédagogique disloquée, trois années d’efforts anéantis. Mais l’université de Picardie n’a pas renoncé, elle vient de déposer une troisième demande d’habilitation en licence professionnelle de sa formation « Accueil professionnalisé des publics à besoins spécifiques ». Un dossier sur lequel Gilles de Robien affirmait en septembre vouloir être attentif, se disant navré et souhaitant la relance de cette formation à la rentrée 2006. Verdict dans les prochaines semaines…

Laurent Lejard, novembre 2005.

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