Elle était sur les rails, la réforme des tutelles, le Ministère de la justice l’avait annoncé comme « imminente » le 9 décembre 2004 : promis, juré, en 2005 la loi serait examiné par le Parlement ! Le chantier aurait, fort à propos, été conduit parallèlement à la loi d’égalité des droits et des chances des personnes handicapées. Avril 2006 : la réforme des tutelles est toujours dans les cartons et la situation s’est dégradée; l’État n’honore plus ses engagements financiers vis-à-vis des associations gestionnaires, qui sont placées au bord de la cessation de paiement.

Le Médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, s’est saisi de l’affaire et interpelle le gouvernement sur la situation ainsi créée : « Cela fait plus d’un an que je suis ce dossier. J’ai été alerté par des demandes de médiation, et j’ai demandé à mes services de créer une cellule de traitement des dossiers et d’étudier la situation ». Jean-Paul Delevoye appuie l’action d’associations gestionnaires de tutelles qui dénoncent l’Etat comme « mauvais payeur » en rappelant que près de 700.000 personnes sont actuellement sous protection et qu’un million le seront dans quelques années en raison de l’allongement de la durée de vie et de maladies telle l’Alzheimer. La législation actuelle, très conservatrice, date de 1968, élaborée pour protéger le patrimoine de certains héritiers « prodigues ».

La personne sous tutelle est souvent l’objet d’abus : défaut d’information sur les mesures de protection, détournement d’argent à son détriment, spoliation. Pour contrôler le travail des tuteurs, il n’y a pas même un magistrat dans chaque département; seuls 10% des actes sont effectivement étudiés par les juges des tutelles. « Le système est au bord de l’explosion, poursuit Jean-Paul Delevoye. Il y a une réelle fragilité du système de protection juridique des personnes les plus vulnérables de notre pays. Je souhaite que le débat politique soit engagé au Parlement sur ce sujet ». Un débat qui permettrait à tous les acteurs d’affirmer publiquement leur position au regard d’un nouveau transfert de charges de l’État vers les Départements : environ 30% du coût financier de la gestion des tutelles leur reviendrait. Visiblement otage de ces considérations, la réforme des tutelles, pour laquelle un quasi consensus a été trouvé entre le Ministère de la justice et les associations gestionnaires, sera-t-elle sacrifiée sur l’autel de la Décentralisation ?

Laurent Lejard, avril 2006.

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