Illkirch-Graffenstaden est une banlieue résidentielle de Strasbourg. La municipalité a signé, parmi les premières en France, une charte Ville et Handicap. De multiples travaux destinés à améliorer l’accessibilité ont été effectués, un guide présente les activités accessibles ou adaptées. Alors, comment comprendre, dans un contexte aussi favorable, que des enfants handicapés se voient refuser leur admission en centre de loisirs ? C’est ce qui arrive à trois enfants de la commune, dont Chloé Cardoner, une fillette âgée de six ans et qui voudrait bien rester avec sa soeur durant ses moments de loisirs. Ce qui laisserait également un temps de répit hebdomadaire aux parents. Une première demande a été présentée au printemps, pour que Chloé soit accueillie durant le mois de juillet, premier refus. Le Maire, Jacques Bigot, estimait que les conditions n’étaient pas réunies pour que l’enfant soit intégrée aux autres, qu’elle puisse participer aux activités sans être mise à l’écart. Les parents avaient pourtant trouvé un accompagnant aidant, fourni et pris en charge par la Jeunesse au Plein Air (J.P.A), organisme national qui conduit des actions de loisirs en intégration.
Seconde demande pour la rentrée de septembre, second refus : le Maire veut se donner le temps de la réflexion pour élaborer préalablement un programme d’activités adaptées aux besoins et aux capacités d’une enfant lourdement handicapé. Si lourdement handicapée, Chloé ? Elle mange seule, peint, est autonome sur son fauteuil électrique et utilise l’ordinateur familial, même si elle n’est pas encore propre et a besoin qu’on lui coupe ses aliments. Mais rien n’y fait, un premier groupe de travail associant diverses structures locales est créé, puis un second, le temps passe, les réunions s’enchaînent, la promesse que la situation soit réglée à l’occasion des vacances de Toussaint sera-t-elle tenue ? Chloé reste dans sa famille et ses parents doivent prendre à leur charge une travailleuse familiale qui garde la fillette en dehors du temps scolaire (la ville n’a pas répondu à la demande parentale d’un soutien financier à cet égard) pendant que sa soeur est libre d’aller s’amuser avec ses camarades dans le centre municipal de loisirs.
Et voilà qu’à la veille des vacances de Toussaint la première adjointe au Maire, Jacqueline Pack, écrit aux parents de Chloé pour les informer de l’accord de la municipalité à l’inscription de la fillette… pour ces mêmes vacances de Toussaint, à titre expérimental, et si le centre de loisirs trouve une personne pouvant renforcer l’équipe éducatrice. Quasiment la veille pour le lendemain. « Croyez vous que nous pouvons vivre avec des incertitudes ? », clame la mère de Chloé, Sonia Cardoner. Pris de court, les parents ne peuvent accepter l’essai proposé sans risquer un conflit avec l’employée qui garde la fillette. C’est le Maire qui a décidé que cet essai serait effectué, sans attendre que les groupes de travail aient rendu leur conclusion. Lassé de ce qu’il qualifie « d’instrumentalisation », estimant que le combat acharné de Sonia Cardoner pour imposer ici et maintenant la loi d’égalité et des chances des personnes handicapées à coup de communiqués à la presse et de mobilisation associative risque de créer une situation de blocage. Mais comment faire autrement lorsque la première réponse n’est pas : « voyons ensemble comment on peut faire »… mais simplement : « non » ?
Laurent Lejard, octobre 2006.