Le sous-titrage (S.T) télévisé apparaît, en France, au début des années 1980. Longtemps, il plafonnera à 10 % des émissions, soit un film en début de soirée, et encore pas tous les jours ! Longtemps, les associations plaideront pour l’augmentation du volume d’émissions sous-titrées. Longtemps, partout, chaînes, ministères, Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (C.S.A), la réponse sera : « Vous n’y pensez pas, c’est bien trop coûteux ! ». Avec une commisération qui nous donnait l’impression d’être des demeurés inconscients des plus élémentaires réalités économiques.

Puis, dans une commission interministérielle, nous avons présenté les statistiques de la B.B.C, chaîne publique britannique proche de France Télévisions. Elle sous-titrait déjà 80 % de ses émissions (plus de 90 % aujourd’hui). Les politiques ont été surpris : « Si c’est possible à Londres, pourquoi pas à Paris ? » et ils ont obligé France Télévisions à sous-titrer 100 % de ses émissions d’ici à 2010 (article 74 de la loi 2005-102). Lors du congrès 2007 de l’Unisda, l’opérateur public s’est engagé à respecter cette loi : la moindre des choses en République…

Ainsi, ce qui nous a été présenté vingt ans durant comme une utopie irréalisable est en train de se faire. Depuis deux ans, le S.T augmente. Pour la première fois, la campagne pour l’élection présidentielle est sous-titrée. Les sourds commencent, enfin, à pouvoir savourer les blagues de Coluche, et la débilité des variétés sous-titrées les console de n’y avoir rien compris depuis si longtemps ! Nous pensions donc en avoir terminé avec cette vieille revendication.

Mais depuis quelque temps, les sourds nous demandent des précisions techniques. En premier lieu, quid de l’accès aux chaînes thématiques ? Comment peut-on être sourd et s’intéresser à autre chose qu’aux jeux télévisés ? L’obligation de S.T ne s’applique qu’aux chaînes dont l’audience dépasse 2,5 %. Comme (sauf don d’ubiquité) le public ne regarde qu’une seule chaîne à la fois, cela revient à écrire, d’un point de vue strictement mathématique, que le nombre maximum de chaînes sous-titrées est de 100 % d’audience divisé par 2,5 % de parts d’audience = 40 chaînes maximum, alors que Canal Satellite en propose 130. L’audience s’y repartit entre les thématiques et reste inférieure à 1 % par chaîne. Aucune n’est donc sous-titrée, sauf exception comme quelques séries sur W9. Il aurait fallu choisir un autre critère que le taux d’audience…

En second lieu, les modes de diffusion de la télévision se sont multipliés. Outre la voie hertzienne classique (qui disparaîtra en 2011), sont apparus la diffusion par câble, par satellite, la Télévision Numérique Terrestre, par modem (les « box », Freebox, Livebox, etc.), la V.O.D (video on demand via Internet) et le téléphone mobile. Une âme simple pensera que le S.T est disponible sur tous ces nouveaux médias, car à quoi bon produire un S.T s’il n’est pas diffusé ? Au contraire, les nouveaux diffuseurs semblent ignorer que 7 % de la population a besoin du S.T. Et là, il est difficile d’obtenir des informations précises. Les diffuseurs devraient au moins avoir la politesse d’informer clairement le public des prestations qu’ils fournissent ou non.

Voici un état des lieux : Par câble, le S.T ne semble pas toujours disponible, il convient de se renseigner auprès de l’opérateur avant de s’abonner. Par Canal Satellite, France 5 est sous-titrée, mais ni TF 1, ni France 2 et 3, ni M 6 alors qu’elles sont pourtant sous-titrées en T.N.T… Comprenne qui pourra et tant pis pour les sourds dont la copropriété a supprimé les vieilles antennes hertziennes. Par T.N.T, le décodeur doit comporter la fonction S.T (non disponible sur certains modèles bas de gamme). La T.N.T ne diffuse pas les magazines Télétexte. Selon France Télévisions, il n’y aurait pas assez de fréquences disponibles, mais le développement du plan de fréquences devrait permettre cette diffusion à l’avenir. Par modem, les « box » peuvent, bien sûr, transmettre le S.T, mais certains fournisseurs de services « oublient » de le faire (c’est le cas de la Livebox). Il convient d’exiger une garantie écrite et une démonstration en magasin. La V.O.D, en général n’est pas sous-titrée, même si l’émission était sous-titrée lors de sa diffusion à la télévision ! France Télévisions précise que « la possibilité technique va être étudiée ». Or, sur le site de France 5, l’émission L’Oeil et la main est bien sous-titrée. C’est donc possible ! Sur les D.V.D, le moindre « nanard » américain offre des S.T en plusieurs langues, mais les productions françaises ignorent superbement les sourds. Quant à la télé sur téléphones mobiles, le S.T sera-t-il présent et lisible ? En attendant l’écran géant de poche, munissons-nous d’une loupe !

À ce rythme, la situation va devenir ubuesque : plus il y aura de sous-titrage, moins il sera diffusé ! Notre association propose donc de compléter la loi 2005-102 pour exiger que le S.T soit non seulement produit, mais également diffusé par tous les médias. Exiger aussi la réalisation du sous-titrage numérique dès la production des films, reportages et émissions : son prix est négligeable (quelques milliers d’euros de l’heure) sur des budgets de production qui se chiffrent en millions. Ce fichier serait ensuite, obligatoirement, fourni avec les images et le son à tous les diffuseurs successifs : cinéma, D.V.D, Internet, télévisions, etc. Au total, la filière ferait des économies et les « petites » chaînes auraient accès au sous-titrage. Nous demandons également d’associer dialoguiste et scénariste à la conception du S.T (actuellement, ces créateurs n’ont aucun contrôle sur cette partie ajoutée à leur oeuvre) pour en améliorer la conformité, la qualité et, il faut le souhaiter, faire évoluer une technique qui n’a pas changé depuis sa création et auquel nul créateur ne s’est intéressé.

Pour finir, une bonne nouvelle : la loi 2005-102 dispense la publicité de sous titrage. Ouf ! Les sourds échappent toujours au matraquage publicitaire, ce n’est pas le moindre avantage de la surdité…

Marc Renard, avril 2007.

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