Le groupement pour l’insertion des personnes handicapées physiques (GIHP) avait salué d’un cri de victoire la reconquête, début 2007, de l’exploitation du service de transport spécialisé des personnes handicapées Optibus dans l’agglomération lyonnaise, la seconde de France. Hélas, le triomphe aura été éphémère : 12 mois après le démarrage de l’exploitation commerciale, la filiale spécialement créée a été mise en redressement judiciaire, prélude à une liquidation annoncée : mi-février 2008, le groupe de transport Keolis reprendra Optibus après une parenthèse de treize mois.
Les 3.000 usagers et les 35 salariés ne devraient heureusement pas rester sur le carreau. Cette situation résulte de la liquidation judiciaire que le Tribunal de Commerce de Lyon devrait prononcer le 14 février prochain, consécutive à la mise en redressement judiciaire de la filiale créée par le GIHP Rhône-Alpes, GIHP Service Public Lyonnais (S.P.L) qui exploitait Optibus depuis le 1er janvier 2007 : aucun plan de résorption du déficit n’est proposé par l’entreprise et ses actionnaires, l’association GIHP Rhône-Alpes, qui a apporté le tiers du capital social de 40.000€, et la société GIHP Service Adapté (Société par actions simplifiée au capital de 179.905€). Ce déficit de 260.000€ pour 2007 (la prévision pour 2008 est identique) est qualifié de « structurel » par les dirigeants de l’entreprise, qui baissent les bras face à une situation difficile : le GIHP avait en effet remporté pour quatre ans le marché en déposant l’offre la mieux disante, précise Raymond Deschamps, Directeur général adjoint du Syndicat Mixte des Transports pour le Rhône et l’Agglomération Lyonnaise (Sytral) qui rappelle que « fournir une rallonge financière est interdit sous peine de poursuites pour concurrence déloyale. Nous avons appris les difficultés du GIHP par un simple appel téléphonique fin novembre, alors que deux semaines auparavant ses dirigeants nous assuraient que tout allait bien, et nous présentaient les nouveaux véhicules de transport ! ». Le Sytral avait confiance en son délégataire, le GIHP ayant géré durant une vingtaine d’années, jusqu’en 1998, ce même service Optibus avant qu’il soit délégué au groupe Keolis.
Cette déconfiture semble résulter d’une mauvaise évaluation du marché lyonnais du transport adapté, dont l’activité est en baisse régulière du fait de l’amélioration de l’accessibilité des transports collectifs : 79.499 transports en 2005, 78.166 en 2006. Les recettes ont suivi le mouvement, passant de 228.800 € en 2005 à 203.400 € en 2006. Président du conseil de surveillance de GIHP S.P.L et du GIHP Rhône-Alpes, Éric Baudry attribue l’essentiel du problème à une sous-évaluation du temps de trajet moyen, qui atteignait 50 minutes au lieu des 40 estimées; cela aurait réduit le nombre de trajets réalisables en une journée, entraînant une perte de recettes. Pourtant, Éric Baudry affirme que le service a réalisé les 80.000 transports prévus en 2007. Comment alors comprendre qu’avec un budget global atteignant 2,2 millions d’euros (intégrant la dotation du Sytral et les recettes provenant des usagers, supérieur de 200.000 € à celui de l’exploitant précédent !) Optibus en soit arrivé à la faillite ?
Après la perte, en 2006, de l’exploitation du service de transport spécialisé de Marseille, le GIHP perd Lyon et ne peut plus guère espérer conserver de position que dans les villes moyennes. L’époque des entreprises d’économie sociale dans le secteur du transport public serait-elle révolue ?
Laurent Lejard, février 2008.