L’affaire a été révélée le 25 mars dernier par le syndicat étudiant UNEF : la réforme des bourses universitaires léserait environ 20.000 étudiants. Le ministère de l’enseignement supérieur a en effet décidé de supprimer la prise en compte de la quasi-totalité des situations particulières entraînant une majoration de bourse pouvant atteindre 130€ par mois, selon l’UNEF; 1.236 étudiants handicapés sont concernés (chiffre communiqué par le ministère de l’enseignement supérieur), du fait de la suppression du critère « handicap ».

La ministre de l’enseignement supérieur, Valérie Pécresse, a justifié cette réforme au nom de la simplification administrative et de l’égalité de traitement entre les 700.000 étudiants boursiers. Et sa collègue Secrétaire d’État à la solidarité, Valérie Létard, a entériné cette volonté en affirmant que les jeunes handicapés âgés de moins de 20 ans pouvaient désormais bénéficier de la Prestation de Compensation du Handicap, dont le montant serait bien plus élevé que le complément de bourse perdu. Mais Valérie Létard a oublié de préciser que cette extension de la P.C.H n’avait été mise en place qu’au mois de juin dernier, sans que les commissions disposent d’un barème cohérent d’évaluation des demandes formulées par des élèves ou étudiants, et que les délais d’instruction des dossiers étaient de 6 à 12 mois selon les départements : à ce rythme, c’est au moment des examens de fin d’année que les étudiants handicapés percevront leur prestation de compensation du handicap, la Secrétaire d’État n’ayant pas demandé aux Maisons Départementales des Personnes Handicapées de statuer selon la procédure d’urgence.

Dans cette affaire, les deux Valérie font la même confusion : la prestation de compensation du handicap finance des aides humaines ou matérielles « sur facture », alors que la bourse universitaire couvre les frais d’études, de logement, de nourriture, bref de vie quotidienne. Elles sont parvenues ensemble à ce remarquable paradoxe : certains étudiants handicapés auront des aides humaines financées, mais ils n’auront pas les moyens de vivre. Et une fois encore, ce sont les familles qui seront mises à contribution, parce qu’un étudiant handicapé ne peut espérer travailler à temps partiel tout en suivant correctement ses cours.

Au ministère de l’enseignement supérieur, on reconnaît l’excès d’optimisme de la secrétaire d’État à la solidarité, qui affirmait que la prestation de compensation du handicap serait opérationnelle pour la rentrée universitaire, alors que le décret ad hoc n’avait été publié qu’au mois de juin 2008. Face aux protestations des intéressés, des associations et des syndicats, la ministre a été contrainte d’aménager son nouveau dispositif, pour la seule année universitaire 2008-2009 : les compléments seront maintenus aux anciens boursiers qui en feront la demande, les nouveaux boursiers entrant forcément dans le nouveau système.

Ce hold-up gouvernemental sur les bourses des étudiants handicapés est le prélude à celui que prépare la secrétaire d’État à la solidarité pour le printemps 2009 : la suppression progressive du complément d’Allocation Adulte Handicapé versé à 120.000 des plus de 800.000 bénéficiaires. Il faut bien trouver quelques sources d’économies en ces temps de récession…

Laurent Lejard, octobre 2008.

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