L’événement planétaire que sera durant un mois, à partir du 11 juin prochain, la Coupe du Monde de football sera peu commode pour les supporters handicapés moteur. Pourtant, l’organisation consent aux spectateurs en fauteuil roulant des prix imbattables, de 14€ pour le tour qualificatif à 100€ la finale, avec gratuité de l’accompagnateur. Ces places peuvent être acquises en ligne… sauf qu’il n’en est encore vendu que pour une poignée de matches, et pas des plus attrayants.

Côté transports, les nouvelles lignes de Bus Rapid Transit devaient améliorer une offre actuellement inexistante : « On les a suppliés de ne pas utiliser des bus à plancher haut, au profit de bus à plancher bas et agenouillement, s’indigne Ari Seirlis, Directeur de la QuadPara Association of South Africa (QASA). Et à Johannesburg et au Cap ils ont foutu ces p… de bus à plancher haut ! Ils coûtent moins chers mais les infrastructures sont dix fois plus onéreuses ! »

Lorsque l’on est handicapé moteur en Afrique du Sud, la voiture est pratiquement le seul moyen de se déplacer, les transports collectifs étant constitués d’une myriade de taxis collectifs dans lesquels les gens s’entassent bien au-delà de la capacité du véhicule. Côté hébergements, les chambres d’hôtels et de Bed and Breakfeast accessibles sont insuffisantes en rapport des spectateurs attendus, estime Ari Seirlis, qui cite l’exemple de Durban, dans la banlieue de laquelle il réside, dont le stade devait comporter 280 emplacements pour spectateurs en fauteuil roulant.

« Il faudra mobiliser toutes les capacités de la région en chambres accessibles pour répondre à la demande, constate Ari Seirlis. Sur 154 hôtels qui ont obtenu l’année dernière leur classement en fonction de la nouvelle classification qui va jusqu’à 6 étoiles, seuls 3 étaient conformes aux règles d’accessibilité ». Reste à savoir si les hôteliers n’ont pas déjà vendu ces chambres à des visiteurs valides, les tarifs des hébergements étant d’ailleurs multipliés par 3 ou 4 durant la Coupe. Ari Seirlis tempère néanmoins l’ampleur du problème : sur les 280 places adaptées prévues dans le stade Moses Mabhida de Durban, seules 88 ont été implantées. Les autres ont été affectées aux caméras de télévision, dont les représentants ont trouvé très pratique les prises électriques installées pour le rechargement des fauteuils motorisés, un équipement obligatoire aux termes de la réglementation sud-africaine.

D’autres difficultés sont liées aux stades, dont deux (Mbombela à Nelspruit et le Polokwane à Pietersburg) sur dix seulement sont conformes aux règles d’accessibilité sud-africaines et FIFA. Une visite du stade du Cap, réalisée en compagnie de l’architecte paraplégique Philip Thompson, met rapidement en évidence des problèmes qui peuvent encore être réglés. Toutes les toilettes adaptées (sauf celles des loges VIP…) doivent être modifiées et leur signalétique fait tourner en rond ! Les places réservées dans le parking souterrain sont les plus éloignées des ascenseurs, lesquels sont en nombre insuffisant pour acheminer dans un temps correct les spectateurs handicapés, d’autant que ces appareils desservent également les loges VIP dont on peut craindre qu’elles soient prioritaires. Des embouteillages aux ascenseurs sont d’autant plus prévisibles que la capacité des stades sera artificiellement gonflée par des gradins installés sur des échafaudages. Les sols sont mal différenciés, des barres anti-intrusion ne sont pas à portée de canne blanche, les escaliers en saillie ne sont pas repérables par des déficients visuels. Nul doute que l’affichette « Mind your head » (« Attention la tête ») qui signale l’obstacle sera largement insuffisante pour éviter qu’ils ne s’assomment ! Ces problèmes, générés par un consultant en accessibilité visiblement dépassé par l’ampleur du chantier, devraient être prochainement traités, c’est en tous cas la mission qui a été confiée par le comité d’organisation à Philip Thompson. Mais ce qui ne pourra être modifié, c’est l’existence d’un seul accès piéton, par rampe pentue, pour des spectateurs handicapés qui n’ont pas intérêt à se tromper de côté en arrivant…

Ces erreurs se retrouvent hélas dans d’autres stades. Ari Seirlis a constaté, par exemple, que celui de Durban n’avait qu’un seul ascenseur pour acheminer les spectateurs en fauteuil roulant au dernier niveau et qu’il dessert également les loges VIP ! Quasiment tous les WC adaptés doivent être refaits, il n’y a que 20 places de stationnement réservé dans le parking, un bus sur trois du système Park and Ride en cours de construction sera accessible, et enfin le dallage extérieur est aussi beau que glissant dès qu’il pleut, alors que la ville est en zone subtropicale ! « Pendant des années nous avons tapé à la porte du comité d’organisation, il ne nous a contacté que le 29 juillet dernier, soupire Ari Seirlis. Nous avions tout préparé, y compris sur un plan légal. Nous, on n’a pas les yeux rivés sur la Coupe du Monde, on se projette dans l’avenir et la fréquentation ultérieure du stade par les spectateurs handicapés, qui est compromise par ces erreurs. »

« L’Afrique du Sud est un pays magnifique, conclut Ari Seirlis. Avec un climat agréable, vous serez au Paradis ! Les prix sont bon marché, l’accessibilité correcte… Oui, venez visiter l’Afrique du Sud mais… après la Coupe du Monde ! »

Propos recueillis par Laurent Lejard, mars 2010.

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