Se déroulant habituellement à Dakar, au Sénégal, depuis quatre ans, HandiFestival International a posé ses valises en décembre 2011 à Nouakchott, en Mauritanie, une première pour le pays. Cela pour décentraliser l’événement, lui donner d’autres couleurs. HandiFestival International a donc été lancé le 3 décembre 2011 dans la salle de spectacle de l’ancienne Maison des jeunes de Nouakchott, devant un parterre de personnes handicapées, de responsables d’associations actives dans le domaine et d’autorités administratives, politiques, culturelles et sportives. A la fois festival culturel et sportif, l’événement était placé sous le haut patronage du Président de la République islamique de Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz.

Dans une allocution prononcée pour la circonstance, le ministre des Affaires islamiques et de l’enseignement originel, Ahmed Ould Neini, a indiqué que l’organisation de la première édition de ce festival à Nouakchott traduisait le souci du Gouvernement de concrétiser les orientations du Président de la République qui vise à redynamiser la scène culturelle dans ses différents domaines. Il a ajouté que cette manifestation permettrait de mettre en exergue les compétences et les performances dont disposent les personnes handicapées. Ces compétences, les personnes handicapées (estimées à plus d’une centaine de millions sur le continent africain) en ont. Mais elles sont généralement exclues de la société et ne bénéficient pas des programmes déployés en faveur des populations, malgré la Convention internationale adoptée par les Nations Unies en 2006.

Programme réduit, artistes engagés.

HandiFestival a réuni des artistes provenant du Sénégal, de la Gambie et du Togo qui ont rejoint ceux du pays hôte autour de spectacles de contes, théâtre et chants, avec un haut niveau professionnel des participants. Tous les acteurs du festival, qu’ils soient handicapés ou valides, ont une particularité qui force l’admiration, certains artistes ont su se démarquer de la masse. Citons notamment Omar Mané, musicien sénégalais, Kebba Manneh, musicien non-voyant de la Gambie, Abdou Razak Bah-Traore, comédien et conteur handicapé physique du Togo, et Ousmane Guissé, musicien handicapé de la Mauritanie, qui a participé au HandiFestival de Dakar en 2010.

Omar Mané est issu d’une famille de griots, avec un père maniant à perfection le balafon. Il allait donc de soi que Omar soit influencé par la musique et y prenne goût ! Il joue aussi bien que son père du balafon, à la différence qu’il a appris en plus la guitare à l’école nationale des arts de Dakar, pour peaufiner et perfectionner son talent. Omar a une voix mélancolique (mais pas triste) qui envoûte les mélomanes. Et il a effectivement enchanté le public présent au festival, avec un style qui mélange à merveille tradition et modernité. Omar et Kebba Manneh se ressemblent presque sur le plan artistique, puisque Kebba, devenu aveugle suite à un glaucome mal traité, est également issu d’une famille de musiciens jouant du balafon. Il est donc un virtuose de cet instrument, et joue aussi de la guitare. Mais il a une particularité hors pair puisque gaucher, il joue sur une guitare accordée pour droitier ! Il se produit dans des hôtels de la capitale gambienne, Banjul, et a eu la chance, grâce à sa musique, de séjourner six mois à Londres il y a quelques années, où il était invité par la BBC dans l’émission Saturday Night. Il en a évidemment profité pour faire des concerts avec des amis musiciens et distiller son savoir-faire à quelques élèves.

Pas d’argent !

Lancé le 3 décembre, HandiFestival a pris fin le 5, soit trois jours seulement au lieu de la semaine initialement prévue. Tous les spectacles se sont déroulés dans l’ancienne Maison des jeunes de Nouakchott, faute d’argent pour louer une autre salle. Les organisateurs ont rencontré de nombreuses difficultés dans la mobilisation des fonds : seuls 2 millions d’ouguiyas (5.430€) ont été versés par le Ministère de la Culture et de la jeunesse, moins de 10% du budget établi à 25 millions d’ouguiyas (67.850€). C’est ainsi que plusieurs activités ont été annulées et des vedettes internationales, notamment les chanteurs maliens Amadou et Mariam et le reggaeman ivoirien Ismaël Isaac, n’ont pas fait le déplacement. Côté partenariats, la société Pizzorno, partenaire officiel de l’événement, a fait faux bon à la dernière minute [sa direction générale basée en France a refusé de répondre à nos questions sur le sujet NDLR] et beaucoup de requêtes sont restées sans suite. Ce qui a fait que les infrastructures mises à disposition n’ont pas été utilisables. Enfin, la publicité n’a pas été suffisante.

La manière avec laquelle les partenaires se sont défilés n’est hélas pas si étonnante : ils n’y voyaient certainement aucun intérêt, surtout quand il s’agit de personnes handicapées. Et le patronage du Président de la République n’a rien facilité. On retient toutefois la volonté des organisateurs d’avoir, malgré tout, permis la tenue du festival, la chaîne n’est donc pas rompue. La sixième édition se tiendra donc, contre vents et marées, c’est une promesse et un espoir, celui que tôt ou tard les personnes handicapées soient connues et acceptées pour ce qu’elles sont, et respectées à leur juste valeur.


Abdoul Rafiou Lassissi, janvier 2012.

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