Du 12 au 15 mars derniers s’est déroulée à Erstein, au sud de Strasbourg, la première formation française à l’accompagnement à la vie affective et sexuelle, à l’initiative de l’Association Pour la Promotion de l’Accompagnement Sexuel (APPAS). J’ai fondé cette association en septembre 2013, face au constat flagrant que personne, et surtout pas les associations qui s’étaient engagées en faveur de cette cause, n’avait le courage d’assumer ses positions vis-à-vis de ce type d’accompagnement en porte-à-faux avec la loi, notamment par peur d’être poursuivies pour proxénétisme.
Elles n’ont pas été les seules : après avoir été contraints d’assigner en référé la gérante de l’hôtel censé nous accueillir car celle-ci, par crainte d’être impliquée dans une éventuelle affaire de proxénétisme, avait rompu unilatéralement le contrat qui nous liait, suite à un article « provoquant » des Dernières Nouvelles d’Alsace, tout est rentré dans l’ordre. La juge l’ayant rassurée sur ce point, elle est revenue sans difficulté sur sa décision et l’accueil de la formation s’est fait dans les meilleures conditions possibles. L’effet indéniablement positif de ce procès en urgence aura été la médiatisation qu’il a suscitée; nous ne pouvions rêver meilleure couverture médiatique dont toutes les répercussions ne sont pas encore mesurées.
Dans un cadre superbe, nous avons finalement accueilli treize stagiaires, huit hommes et cinq femmes, ayant entre 21 et 74 ans; trois d’entre eux sont des professionnels du sexe (dont deux hommes), les autres, excepté deux hommes à la retraite, sont aides-soignantes, masseurs, éducateurs spécialisés, sociologue, étudiante en psychologie, ancien militaire, etc. Plusieurs de ces personnes, dont l’étudiante et le sociologue, se sont inscrites à notre formation dans un but purement informel. La formation a été assurée par un juriste, un psychologue-sexologue, un ostéopathe, une ancienne accompagnante sexuelle, Nina de Vries, spécialiste berlinoise reconnue en matière d’accompagnement sensuel des personnes déficientes mentales et psychiques, particulièrement les personnes autistes, et moi-même.
Malgré les désagréments suscités par la présence quasi quotidienne des médias, la formation a été un franc succès, d’après les retours unanimes que nous avons eus de la part des stagiaires. Lesquels nous ont aussi fait part de leur frustration et, par conséquent, de leur envie de bénéficier de modules complémentaires approfondissant certains domaines, tels que l’accompagnement des couples en situation de handicap ou des personnes déficientes intellectuelles ou psychiques. Ce qui était prévu pour la rentrée. Une véritable osmose s’était créée entre les stagiaires, facilitée notamment par le fait qu’ils avaient presque tous été hébergés dans l’hôtel. Ce qui leur a permis de faire tous les soirs un débriefing de la journée et d’échanger leurs impressions. Six d’entre eux sont prêts à pratiquer l’accompagnement sexuel de personnes en situation de handicap physique; l’une d’entre elles le fait d’ailleurs déjà depuis deux ans mais souhaitait des compléments d’information et, surtout, ne plus se sentir isolée.
À l’issue de la formation, nous leur avons non seulement proposé des modules complémentaires, mais également la mise en place d’un forum qui leur sera réservé, sur le site de l’APPAS, afin de leur permettre de continuer à dialoguer entre eux, partager leurs pratiques et leurs interrogations, ainsi qu’un suivi individuel, une analyse des pratiques régulières et des formations continues, durant tout le temps où ils exerceront ce type d’accompagnement très spécifique.
Donc, l’aventure continue sans ambages. Du reste, nous avons déjà une trentaine de candidats pour une autre formation, avec lesquels il faut préalablement avoir un entretien afin de connaître leur réelle motivation afin de faire une présélection, comme c’était le cas pour la première formation où nous avions refusé cinq candidats et une candidate aux motivations douteuses. Faire de l’accompagnement à la vie affective et sexuelle, ça ne s’improvise pas, ça s’apprend, ça nécessite des compétences, des capacités et une humanité peu communes. De ce fait, même si, juridiquement, ce type d’accompagnement relève de la prostitution, ça n’a pas grand chose à voir dans le fond. Ça va bien au-delà du simple rapport sexuel, lequel est loin d’être systématique dans nombre de cas.
Cela dit, réduire l’APPAS à l’accompagnement sexuel, c’est se focaliser sur la partie visible de l’iceberg. Nous avons la volonté, par ailleurs, de mettre en place des programmes éducatifs, des formations en direction des professionnels du secteur médico-social, aussi bien en milieu institutionnel que dans les services d’aide à domicile, des groupes de parole, un accompagnement et une écoute en direction des parents d’enfant en situation de handicap et la création d’un réseau européen. Mais tout cela nécessite l’embauche d’au moins une salariée et des moyens pour réaliser tous ces projets relativement coûteux. D’où l’obligation pour l’association de faire appel à des sponsors et à des donateurs qui soient convaincus par nos engagements et notre cause.
Un nouveau pas a été franchi dans le champ de la reconnaissance de la liberté de bénéficier d’un accompagnement à la vie affective et sexuelle, dans le cadre du droit à la santé sexuelle prôné par l’Organisation Mondiale de la Santé depuis 2002; car ce type d’accompagnement n’est rien moins qu’un droit-liberté dont nous demandons le respect. Au même titre que toutes les libertés individuelles qui sont bafouées au quotidien dans le pays des droits de l’Homme et du Citoyen. Veut-on me condamner pour délit d’humanité et pour empathie illicite ?
Marcel Nuss, Président-fondateur de l’APPAS, mars 2015.