Il semble que chaque année apporte son lot de régressions !
– 2013, la mise en œuvre en catimini par la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie d’un guide permettant aux Maisons Départementales des Personnes Handicapées de réduire le nombre d’heures attribuées aux personnes dites lourdement handicapées.
– 2014, l’année de l’Ordonnance remettant en cause les maigres avancées en matière d’accessibilité.
– 2015, la ratification par le Parlement de cette ordonnance scélérate.
– 2016, la remise en cause de l’accessibilité des douches à siphon de sol et de l’accès au balcon et aux loggias.
– 2017, l’élection d’un nouveau Président de la République et la création d’un Secrétariat d’État auprès du Premier Ministre, excellente nouvelle a priori en termes d’interministérialité, mais pour en arriver à l’instauration d’un plafond de ressources pour les allocations de centaines de milliers de personnes dites handicapées !
Cette énumération annuelle pour s’en tenir seulement à l’essentiel !

Que va nous réserver 2018 ?

Quand on découvre que la réflexion officielle porte, entre autres, aujourd’hui autour du « développement prospectif sur le thème de la démarche inclusive dans la transformation de l’offre » en s’interrogeant sur « les principes directeurs partagés et les conditions de réussite », il y a du souci à se faire !

En effet, derrière cette formulation technocratique à souhait, se cache l’idée que l’offre institutionnelle quelle que soit sa forme, quelle que soit la gravité des difficultés des personnes, doit trouver une solution dans un habitat social ordinaire. Idée dont nous ne pourrions que nous féliciter, à condition qu’il procède uniquement du point de vue de l’intérêt et de la volonté de la personne, s’il ne devait voir le jour qu’avec un financement de plus en plus réduit, et en l’occurrence ici, un financement reposant sur la mutualisation de la Prestation de Compensation du Handicap.

Rappelons une fois de plus que cette prestation a été conçue par le législateur lui-même comme une prestation purement individuelle ! Ce qui signifie que la mutualisation, plus subie que souhaitée par les allocataires, constitue une violation de la légalité et une véritable entourloupe ! Les conséquences seront diverses, certaines positives et d’autres dramatiquement négatives !

En effet, si – peut-être ! – moins de personnes seront orientées vers des institutions lourdes dans la mesure où elles n’y ont pas leur place, en revanche il est surtout à craindre une augmentation de la réduction de plus en plus drastique du nombre d’heures quotidiennes d’aide nécessaire pour les personnes souhaitant vivre dans un logement ordinaire avec un accompagnement de qualité. Ce phénomène étant déjà largement constaté depuis 2013, notamment via l’application en catimini du guide de la CNSA par les MDPH !

Par ailleurs, le risque est grand d’une édulcoration de la réglementation en matière d’accessibilité des logements, édulcoration accompagnée du retour de la vieille notion des « quotas ». De fait, puisque les personnes dites handicapées pourraient être accueillies dans la démarche dite inclusive – fortement promue par le Gouvernement dès lors qu’il s’agit de l’habitat regroupé, mais moins lorsqu’il s’agit de l’habitat ordinaire ! – l’idée qu’un quota d’appartements accessibles serait complémentairement suffisant trouve sa justification. La tentation sera grande pour le Gouvernement, incité en cela par un certain nombre de lobbies de l’immobilier, de revisiter à la baisse la réglementation actuelle en la matière. Et en tout état de cause, répondant au credo de « l’indispensable réduction de la dépense publique », un financement low-cost pour cet habitat dit inclusif reposant sur la mutualisation de la PCH si on le compare au financement actuel des Résidences innovantes d’hébergement relevant du cadre réglementaire médico-social traditionnel.

Alors, que faire face à cette hypocrisie ? Combattre, bien sûr, encore et toujours. Mais à la condition aussi de ne pas jouer les idiots utiles en se prononçant à tout-va pour la suppression, sans solution de qualité, de l’offre institutionnelle. À la condition aussi que les Associations de Défense fassent preuve d’intelligence quant à l’utilisation des commentaires de la Rapporteure des Nations Unies que les pouvoirs publics exploiteront, trop heureux d’y trouver les éléments fondamentaux de l’idiotie utile. À la condition enfin que les associations gestionnaires traditionnelles, toutes à leur volonté d’élargir leur périmètre gestionnaire, prennent conscience de l’impasse dans laquelle elles sont en train de plonger la grande majorité des personnes dites handicapées ! Et cela, ce n’est pas gagné !


Vincent Assante, président de l’Association Nationale Pour l’Intégration des personnes Handicapées Moteurs (Anpihm), décembre 2017.

Partagez !