Le 4 avril dernier, le député Adrien Taquet (La République En Marche), entouré d’une partie de ses collègues participant à l’opération, a présenté à l’Assemblée Nationale la synthèse de visites parlementaires de Maisons Départementales des Personnes Handicapées. 70 députés ont visité celle de leur circonscription au cours de la mission parlementaire de simplification administrative dans le champ du handicap que le Gouvernement a confié à Adrien Taquet et Jean-François Serres, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Il en résulte le constat de « la complexité de l’univers administratif dans lequel les personnes en situation de handicap et leurs proches naviguent, ainsi que les difficultés auxquelles sont confrontées les MDPH dans un contexte de moyens contraints et de croissance des dossiers à traiter. »

Question : Cette présentation de la semaine des MDPH me fait rajeunir de vingt ans, j’ai l’impression de me retrouver à l’époque des Cotorep et CDES…

Adrien Taquet : Je suis ravi de vous avoir projeté dans une période de votre jeunesse ! Écoutez, ce qui était important avant toute chose, c’était de sensibiliser l’ensemble des députés à la question du handicap. Vous l’avez noté, il y a dans cette Assemblée beaucoup de nouveaux députés, de primo-députés. Il était important, c’est le premier objectif, de sensibiliser au-delà des partis, d’ailleurs la plupart des partis a répondu présent.

Question : Quels sont ceux qui n’ont pas répondu ?

Adrien Taquet : 
Les deux qui se trouvent à l’extrême-droite et à l’extrême-gauche de l’hémicycle, le Front National et France Insoumise; qui n’ont pas du tout exprimé un désaccord avec la démarche, mais n’ont juste pas répondu présent, peut-être pour des raisons tout à fait justifiées, d’agenda ou autre. Mais l’ensemble des autres groupes politiques, de Nouvelle Gauche aux Républicains en passant par Les Constructifs, En Marche, le Modem, ont effectivement participé à cette semaine MDPH, et donc ont été sensibilisés au-delà des caractères partisans à cette question du handicap.

Question : On a l’impression que les députés se sont arrêtés à la surface des choses et n’ont pas vu le fait que l’Administration a repris le contrôle du fait de l’absence du politique, tel que l’exprimait l’ancienne secrétaire d’Etat Marie-Anne Montchamp dans une récente interview. Que dit le député quand on lui explique sur le terrain que tout cela n’est affaire que d’administrations ?

Adrien Taquet : Justement pas. Je rejoins totalement Marie-Anne Montchamp, tout cela n’est pas l’affaire d’administrations. D’ailleurs, le rapport que nous préparons avec Jean-François Serres s’évertue à ne pas avoir une approche administrative, et j’ai même envie de dire technocratique, de ce sujet-là qui est éminemment politique. Parce qu’il est affaire de transparence et de confiance qui sont aujourd’hui absentes dans le système. Parce qu’il est question d’égalité et de discrimination, c’est bien de ça dont il s’agit dans le quotidien des gens, c’est comme cela qu’ils le vivent. Il s’agit aussi d’inclusion et de bâtir une société inclusive, notre rapport a la prétention d’y contribuer modestement. Oui, il y a une dimension profondément politique dans cette question-là, oui le politique doit reprendre la main sur l’administration. On a aujourd’hui un système qui a dépassé les personnes. Vous parlez des politiques, je pourrai vous parler des agents qui perdent confiance en leur mission et en eux-mêmes. Il y a un problème de défiance généralisée dans le système actuel, c’est ce qu’on doit combattre selon moi. La question de la confiance est centrale, et aussi la question de la gouvernance : il faut se réinterroger sur la gouvernance de l’ensemble du système, sur le rôle de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie, sur les moyens surtout dont dispose la CNSA notamment, c’est le minimum, pour faire converger un certain nombre de pratiques et mettre fin à cette réalité d’inégalités territoriales. Que vous viviez aujourd’hui à un kilomètre à droite ou à gauche d’une frontière administrative, vous n’allez pas avoir le même traitement. Cela, ce n’est pas dans notre République, ce n’est pas acceptable.

Question : 
Pour autant, dans la récente plateforme Parcoursup, rien n’était prévu pour les lycéens handicapés, de même que dans la loi qui la légalise et réforme l’orientation des étudiants. C’est par amendement parlementaire qu’une surcouche ajoutant une complexité supplémentaire prétend répondre à leurs besoins. Comment analysez-vous ce raté gouvernemental ?

Adrien Taquet : 
Je vais être très clair avec vous : c’est une erreur; c’est un raté qui a été partiellement rattrapé pour faire face à l’urgence de la situation puisque les étudiants devaient s’inscrire sur cette plateforme. Mais c’est un raté, et un des points qu’on évoquera dans notre rapport. Non pas uniquement sous l’angle de l’accessibilité mais aussi sous l’angle de la transparence. J’estime que l’accessibilité des universités, des établissements d’enseignement supérieur, doit faire partie de façon claire et transparente des critères de choix transmis aux candidats en situation de handicap. Nous aborderons ce sujet dans le rapport que nous remettrons fin avril.

Propos recueillis par Laurent Lejard, avril 2018.

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