La création du cinquième établissement Guggenheim a donné lieu à de multiples recherches : c’est finalement l’ancienne sidérurgique et polluée Bilbao qui l’a emporté. Bilbao, c’est l’ancienne capitale du pays Basque espagnol, fonction détenue actuellement par Vittoria. Victime de la fermeture des hauts- fourneaux sidérurgiques, démontés et vendus à l’Inde, et de la féroce concurrence entre les chantiers navals, cette ville de 400.000 habitants s’est désindustrialisée. Les autorités locales tentent pourtant d’en faire un lieu de culture, d’art contemporain et de congrès en dotant leur cité d’équipements modernes : un métro réalisé par l’architecte Norman Foster, un palais des Congrès qui porte le nom du chantier naval sur lequel il a été bâti (Eskalduna), un nouveau terminal d’aéroport. L’ouverture, en 1997, du cinquième musée Guggenheim a parachevé cette volonté au point que Bilbao y est désormais mondialement identifiée.

Les formes élancées de la construction ont dû se couler sur un terrain ingrat : des chais l’occupaient, avec quai de chargement fluvial. L’endroit reste longé par des voies ferrées et un terminal de déchargement de conteneurs. Le contraste ente la beauté de l’édifice, véritable vaisseau intergalactique de titane et de verre, et son environnement en transformation est très fort. En poursuivant votre chemin derrière le musée jusqu’au pont en forme de voile dessiné par Santiago Calatrava, vous aurez une idée de ce que deviennent les rives du fleuve : un lieu de flânerie au soleil basque. L’ouest est encore une friche industrielle sur laquelle de nombreux projets sont à l’étude. Bilbao aura- t-elle sa « rive de l’Architecture » ?

Si vous venez au musée par la ville, vous serez accueillis par un toutou fleuri, le « Puppy » (chiot) monumental de Jeff Koons. Ses couleurs changent au fil des saisons. C’est la première des oeuvres que vous pourrez admirer. Le musée dispose d’une collection permanente présentant les grandes tendances de l’Art Moderne et Contemporain du XXe siècle en 19 galeries distribuées sur trois niveaux autour d’un vaste atrium central. L’esprit de Franck Lloyd Wright, architecte du célébrissime Guggenheim de New York, aura sans doute traversé l’Atlantique… De Basquiat à Warhol en passant par Rothko, Rauschenberg, Motherwell, Klein, Boltanski ou Pollock, c’est un panorama plutôt complet qui s’offrira à vous dans de vastes espaces où la foule n’est jamais pressante. Des expositions temporaires de premier ordre – sponsorisées par de grandes marques, conformément à la tradition américaine – accueillent également les visiteurs.

L’entrée des personnes handicapées se fait autant au niveau du parking que côté ville. Dans le premier cas, des places de stationnement sont réservées au pied du bâtiment, près des autocars; vous entrez dans le musée par l’accès réservé aux groupes. Dans le second, vous traversez le bar et vous empruntez un ascenseur pour descendre au niveau de la billetterie. Les toilettes sont aménagées. Prêt de fauteuils au guichet de la consigne. Chaque mois, une visite mensuelle gratuite en Langue des Signes est organisée. Des audio guides sont disponibles mais il n’est pas présenté d’oeuvres pouvant être touchées. Il n’y a pas de réduction tarifaire pour les personnes handicapées. Vous pourrez déjeuner confortablement au restaurant du musée mais il vaut mieux réserver une table au préalable tant il est fréquenté. On y mange correctement mais notez toutefois que les quantités servies sont proportionnelles au prix : modiques !

Bilbao est marquée par le conflit basque: on trouvait éparpillées sur le sol, lors de notre visite, des dizaines de petites vignettes présentant sur chaque face un drapeau français et espagnol barrés d’une croix noire: « ni espagnol, ni français! » Et les autorités ne vous conseillent pas de vous enfoncer dans certains quartiers populaires de la ville avec votre voiture si elle n’a pas d’immatriculation basque…

Pourtant, ne serait-ce que pour « El Guggy », comme l’appellent affectueusement les autochtones, Bilbao vaut le voyage. Et cette ville en devenir vous réservera au hasard de ses rues et de ses places d’autres visites intéressantes : histoire d’y retourner, certainement ! Pour en savoir plus sur le Musée Guggenheim : www.guggenheim-bilbao.es

Jacques Vernes, septembre 2001.

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