Au pied d’une dalle de béton surplombée de tours H.L.M, entre la Bibliothèque François Mitterrand et l’hôpital de la Pitié- Salpêtrière, se trouve une galerie d’exposition gérée par une association: Art, Culture Et Tourisme Internationaux des Sourds (Actis). Créée fin 2001, c’est plus récemment que l’association s’est installée au 77 rue Dunois, dans le 13e arrondissement de Paris. Plus d’une vingtaine d’artistes sourds ont depuis présenté leurs oeuvres : peintures, dessins, sculptures, photographies. « Avec peu de moyens et beaucoup de débrouille, confie Christine Louis, interprète en langue des signes française et l’une des chevilles ouvrières d’Actis. Les artistes sourds viennent nous voir en nous disant ‘je ne sais pas communiquer avec les entendants’. Pourtant, la surdité ne change pas la qualité d’un artiste. Nous avons voulu leur donner l’opportunité de montrer leur travail ».

Il y a toujours du monde lors des vernissages. « Les oeuvres restent assez conventionnelles, estime Christine Louis, il y a peu de recherche et d’avant- garde. Nous avons exposé une seule fois de l’art brut ». Très présents dans la vie des sourds, la main et l’oeil sont fréquemment représentés dans leur production. La plupart des artistes sont des amateurs, seuls trois ou quatre sont des professionnels inscrits à la Maison des Artistes. C’est leur identité qu’ils viennent chercher, et un exutoire à l’impossibilité de parler aux autres du fait de la quasi- absence de lieux de rencontres et d’activités pour sourds.

« Nous voulons faciliter l’accès aux écoles d’art, explique Cristina Berindey, présidente d’Actis, mais aucun établissement n’a répondu favorablement. Même l’Ecole Supérieure des Beaux- Arts de Paris a rejeté notre demande sans l’examiner quand nous avons parlé d’artistes sourds. Nous pouvions pourtant leur fournir un interprète en langue des signes. On n’a jamais pu parler Art avec les écoles, leur refus porte a priori sur la surdité ».

« La surdité fait peur aux gens, complète Christine Louis; le refus de se mettre à la portée des sourds génère de la ségrégation. Pourtant, avec un peu d’habitude, la communication s’établit, comme dans nos cours de yoga dans lesquels le professeur peut maintenant se passer d’interprète en langue des signes ».

Malgré ces difficultés, l’art des sourds se diffuse: « La FIAP nous a demandé des oeuvres, précise Cristina Berindey; des artistes ont participé au concours de Roissy (95), d’autres ont exposé dans des salons en Slovaquie ou en Suède. Lors du dernier congrès mondial des sourds qui s’est tenu à Montréal (Canada), Actis a présenté le travail d’un artiste. Des galeries commencent à nous solliciter. La confrontation avec les entendants demeure difficile, il faut un interprète et un relais ». Mais le statut d’Actis ne lui permet pas de vendre les oeuvres exposées, à la différence d’une galerie classique.

« La vente rend plus fort, poursuit Cristina Berindey, elle donne à l’artiste une plus grande confiance dans la qualité du travail qu’il présente. Je ne connais que trois artistes sourds qui vivent de leur art : les sculpteurs Jean- Paul Malaussena et Jean Léger, ainsi que la photographe Raphaëlle Ricol. L’art ne rapporte pas d’argent à l’association, mais je veux continuer malgré les difficultés. Tant qu’il y aura des artistes sourds à exposer, je le ferai ».

Laurent Lejard, octobre 2003


Art, Culture Et Tourisme Internationaux des Sourds (Actis), 77 rue Dunois 75013 Paris. Tél- fax- Min: 01 45 86 31 75, Mél: a.c.t.i.s@wanadoo.fr. Outre sa galerie d’art, Actis gère aussi un service Tourisme qui propose des séjours avec guide interprète et mène des actions de formation destinées aux futurs accompagnateurs professionnels au contact du public sourd.

Partagez !