Odon pratique le tressage après une période consacrée à la peinture. Déjà, sur ses toiles, des fils reliaient ses personnages, la tresse s’inscrivait dans une évolution créatrice naturelle. Odon joue sur le fini et l’infini, le construit et l’inachevé, le gigantisme ou la petitesse, le plat et le relief, la couleur et la monochromie. Il manie le papier kraft, le tord, le plaque, le tisse, le suspend, l’imprime. Odon invite le spectateur à la méditation sur la place de l’homme au sein des spirales cosmiques qu’il lui présente, élément d’un grand tout spirituel et mystique.

Guy Houdoin, qui a pris le nom d’Odon il y a sept ans, est né au Mans (Sarthe), en 1940. Il s’est orienté vers des études artistiques a Angers, Tours puis Paris et obtint un diplôme aux Beaux Arts. Son travail l’a rapidement conduit à côtoyer les grands noms de la création picturale contemporaine, Alechinsky, Soulages, Manessier entre autres. Odon commence le tressage après son installation à Nogent sur Marne, en 1976. Il transforme une imprimerie vétuste en atelier, et voyage aux Etats Unis; là-bas, il découvre une créativité foisonnante, et en revient comme fou… Tout s’arrête un jour de 1985 : il est victime d’un arrêt cardiaque; quatre minutes de mort clinique, un redémarrage par électrochocs et une paralysie qu’il combattra : « L’accident m’a amené à aller à l’essentiel, à me regarder par rapport à moi- même, à m’isoler pour être universel ».

A l’époque, Odon faisait du tressage à « quatre mains » en invitant d’autres artistes. Lors de son long séjour à l’hôpital de Garches (Hauts de Seine), le tressage fut à la fois une activité de rééducation fonctionnelle et intellectuelle; l’ergothérapeute lui fait travailler sur la vannerie, il met six mois à faire trois corbeilles. A sa sortie, il tresse ses premières étoiles. Son parcours de réadaptation fut long, complexe, alternant établissements spécialisés et hospitalisation à domicile. « Sans mon art, je n’aurai pas pu m’en sortir. Comme je ne pouvais plus travailler de la main droite, je tressais des étoiles basées sur le chiffre 7 ». La symbolique de ce chiffre est vaste, de la perfection divine à la résurrection. Odon rappelle qu’on le trouve dans le célèbre tableau de Véronèse, les Noces de Cana : « On voit six cruches, la septième est cachée et se devine »…

De son accident, Odon conserve d’importantes séquelles : une hémiplégie gauche et des pertes de mémoire. Il subit parfois de brusques « répliques » de l’accident initial qui nécessitent une hospitalisation en urgence. Mais il continue de créer, même s’il a dû modifier sa technique, ne pouvant plus tresser à deux mains. « Avant, je tressais de droite à gauche en serrant à plat, maintenant je travaille dans le sens des aiguilles d’une montre. Le volume ‘sauvage’ correspond à une évolution, je me sens bien dans ce travail. Je crée parce que j’en ai envie, j’éprouve ce besoin, c’est pour moi. Le tressage est universel, c’est un art primitif. Il permet de réaliser des huttes, des vêtements… Les autochtones d’Australie ou de Nouvelle Calédonie tissent comme nous ». Si Odon ne veut pas se situer dans un courant de la création contemporaine, cet artiste de renommée internationale poursuit son dialogue avec le mystère de la résurrection…

Laurent Lejard, septembre 2004.

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