Le Centre Culturel Iranien (6 rue Jean Bart, Paris 6e) a accueilli durant deux très courtes semaines un artiste atypique, poète, peintre, auteur de théâtre. Hossein Nuri a commencé à peindre à l’âge de 7 ans, il en a aujourd’hui 50. Il paraît plus âgé, la faute aux années qu’il a passées en détention, durant la dictature du shah Muhammad Riza Pahlevi. « Jusqu’à 17 ans, je travaillais comme tout le monde, raconte Hossein Nuri, je jouais de la trompette, je faisais de la gymnastique. J’étais champion dans ce sport. J’écrivais également pour le théâtre, je préparais une pièce sur les droits de l’homme. La Savak [Police politique du shah N.D.L.R] m’a arrêté, j’ai été torturé en prison, frappé souvent sur le dos, la nuque, à coups de bâton, on m’a injecté des produits chimiques dans le sang. En me libérant au bout de près de quatre années, mes geôliers pensaient que je mourrais rapidement. Je ne suis pas rentré dans ma famille, je vivais chez des amis, caché dans un réduit au fond d’un magasin. Pour m’occuper, je dessinais ».

Hossein Nuri a survécu à la torture mais sa motricité a été fortement altérée par les mauvais traitements : il ne marchait plus et ne pouvait plus tenir un pinceau avec les doigts. Il s’était installé dans une région frontalière avec l’Afghanistan, dessinait et peignait avec la bouche, devant les touristes. Aujourd’hui, il parle dans un souffle, d’une voix à peine audible : « Au début, j’essayais de tenir le pinceau dans mes mains mais il tombait souvent et je le ramassais avec la bouche. J’ai appris comme ça, instinctivement, naturellement. Je me suis rendu compte que je peignais de la bouche en ayant mal aux mâchoires ! ». Depuis, il a produit de nombreuses oeuvres, souvent de grand format.

Hossein Nuri joue beaucoup sur la vivacité et la saturation des couleurs, oppose volontiers les complémentaires : « C’est une force intérieure qui travaille pour moi. Je mets de la couleur sur une toile blanche, en réalisant un assemblage, puis je pose une autre toile de même dimension. Ensuite, je répartis les couleurs en balayant les toiles du revers de mes mains. Parfois, mes créations spontanées apparaissent en quelques minutes. Parfois, elles représentent un an de travail ». Certaines peintures sont ensuite reprises au pinceau, dans une approche plus figurative. D’autres demeurent abstraites, avec un effet de miroir qui concentre l’attention du spectateur sur ce qu’il perçoit au centre de l’oeuvre.

Hossein Nuri enseigne désormais à l’Université de Téhéran. Il aimerait diffuser sa technique et son travail en Europe. Il travaille parfois avec des personnes handicapées, même s’il n’a pas imaginé pouvoir créer d’école particulière, idée qu’il a recueillie lors de son passage en France et qu’il espère mettre en oeuvre avec l’accord des autorités culturelles iraniennes. « Je veux avoir une relation affectueuse, chaleureuse avec tout le monde. Je ne pense pas beaucoup à vendre mes oeuvres, je préfère exposer et rencontrer ». Ses voyages, il les réalise en compagnie de son épouse, docteur en philosophie, peintre et poète. « Nous nous sommes rencontrés à l’université, on s’est déclaré notre amour et marié en poésie »… Il a fallu sept ans à la belle- famille pour accepter ce mariage : « Nous sommes allés voir les beaux- parents, je leur ai baisé les mains pour les remercier d’avoir eu une fille aussi belle ».

Hossein Nuri s’estime libre et heureux dans la République Islamique d’Iran : « Je veux poursuivre la peinture, écrire pour le théâtre dans un langage universel. Pour moi, peindre, c’est comme respirer »…

Laurent Lejard, octobre 2004.

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