Un atelier de répétition, voisin du théâtre de la Tempête, à Vincennes (Val de Marne). Près de l’entrée, la couturière s’affaire. Goury, le scénographe, règle moult détails de la production et des accessoires. Une vaste table éclairée permet aux comédiens de se préparer, se maquiller. Ils sont de l’autre coté, sur le plateau, concentrés, au travail comme tous les jours depuis la mi- novembre. La préparation de la pièce Le Procès, adaptée du roman inachevé par l’écrivain tchèque Franz Kafka, est longue, soignée, méticuleuse. Philippe Adrien, metteur en scène, dirige les comédiens dans un passage délicat : Bruno Netter est debout derrière une balustrade, qui masque Monica Companys, et sur le rebord de laquelle marche Geneviève de Kermabon. Au fond, à l’étage, Jean- Luc Orofino, lilliputien, les observe; sa petite taille donne une autre perspective à la scène. Adrien rectifie, modifie les postures, retient une attitude, s’esclaffe (« Très bien ! »), réfléchit, doute, repart sur une autre approche. La création est en mouvement permanent, attendant le moment où le temps sera arrêté, beau. Philippe Adrien veut travailler sur les visages, différents pour chaque scène : « Le propre de tous ces gens est d’être presque trop normaux » clame- t-il en parlant des personnages de la pièce !

« Philippe Adrien utilise dans son travail l’étrangeté de ses comédiens, raconte la comédienne Mylène Bonnet. Il peut jouer avec la grande différence de taille de deux comédiens, le naturalisme du roman se retrouve dans l’étrangeté des acteurs ». Le décor est une machine à jouer, un anneau tournant autour d’un cercle fixe. Sur cet anneau, différentes pièces, portes et éléments apparaissent au fil de sa manipulation par les comédiens, il est un élément de l’action scénique. « On a été confronté à une scénographie très spectaculaire et complexe, explique Philippe Adrien. La maîtriser prend du temps, elle doit résoudre des problèmes romanesques liés à l’écriture de l’oeuvre. Les comédiens font jouer la machine. On essaie de se tenir au point de vue initial: animer le personnage de Joseph K pour qu’il y ait de l’humour. On a allégé le texte, pour avoir un récit assez allègre et fluide ». Philippe Adrien connaît bien tous les comédiens, le scénographe, les techniciens; ils ont travaillé ensemble sur le Malade Imaginaire.

« Le décor du Malade était très commode pour les déplacements des comédiens, poursuit Philippe Adrien, il nous aidait organiquement. Là, c’est l’opposé. J’ai inventé le système des Ombres, présence- absence qui ont une fonction de guide, de repère pour Bruno Netter ». Lequel, comédien devenu aveugle, se déplace beaucoup dans un dispositif complexe où il n’est jamais seul; un personnage ou une Ombre reste avec lui, le guide de manière impalpable : « Je suis ravi, jouer Kafka est un vieux rêve, ce texte m’a toujours talonné. Je ressens une lumière intérieure, celle qui existe dans la parabole de l’homme face à la loi. Il n’y a pas d’innocence dans cet univers-là. Nos différences créent des relations particulières avec l’autre. C’est là la richesse que l’on peut apporter. Il n’y a pas plus juste que ce rapport-là et c’est magnifique, chacun a son droit de vie »…

Laurent Lejard, décembre 2004.


Le Procès, d’après Franz Kafka, sera représenté dans la grande salle du théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manoeuvres, 75012 Paris (Tél. 01 43 28 36 36) du 11 janvier au 13 février 2005, avant de partir en tournée de février à avril 2005.

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