La compagnie britannique Candoco (prononcer candouco) a été fondée en 1991 à Stanmore (Middlesex) par Celeste Dankerer, du prestigieux London Contemporary Dance Théâtre, et Adam Benjamin, plasticien enseignant le Taï-chi. Leur but était de proposer un environnement professionnel dans lequel danseurs handicapés et valides pourraient travailler ensemble. Les chorégraphies, inspirées des techniques de Martha Graham, ont débouché sur la production d’un premier « vrai » spectacle, à Leeds, en 1992. En 1993, Flying in the Face of reçut un immense succès à Londres. Le public anglais de la danse contemporaine était visiblement prêt à accueillir cette compagnie atypique désormais installée dans la capitale britannique.

Dès le début, des chorégraphes extérieurs à la troupe (dont certains très connus dans le monde de la danse contemporaine) ont été invités à y développer leurs créations, les spectacles tournant ensuite dans tout le pays et à l’étranger. Côté danseurs, Candoco compte notamment, depuis 2003, le brillant Marc Brew dont la carrière en Australie et en Afrique du Sud a été ponctuée de nombreuses récompenses et médailles qui lui ont ouvert l’accès à une bourse de la Foundation of Young Australians lui permettant d’exercer à Londres. La présence de sobres fauteuils roulants sur la scène est très rapidement oubliée tant le travail chorégraphique entre danseurs valides et handicapés est intelligent, souvent habité par l’humour, la poésie et une certaine tendresse.

Parallèlement à la création de spectacles, la compagnie a créé, dans le nord de Londres, un programme d’éducation intégré auquel participent des élèves venus du monde entier, ainsi qu’une compagnie spécifique baptisée Candoco2. Côté finances, Condoco a la chance de pouvoir compter sur de nombreux subventionneurs publics et privés au premier rang desquels l’Arts Council of England et la loterie nationale. Les déplacements hors les murs sont assurés grâce au mécénat du groupe de transport National Express Group P.L.C. La compagnie travaille par ailleurs étroitement avec l’association Aspire qui oeuvre à l’intégration des personnes blessées médullaires.

A ce jour, près d’une trentaine de spectacles ont été produits dans une cinquantaine de pays, rencontrant partout l’adhésion immédiate du public. Candoco a, depuis, fait des émules, notamment au Royaume-Uni, où existent désormais au moins quatre compagnies mêlant danseurs valides et handicapés. Question de mentalité ? En France, les deux dernières créations, Microphobia et The Human Suite, ont été présentées au théâtre Montansier, de Versailles (Yvelines), dans le cadre du Festival de la Différence devant une assistance essentiellement familiale et conquise d’avance, dont les applaudissements et les rires, parfois mal à propos, ont nui à une bonne appréhension du spectacle.

Microphobia, de Luca Silvestrini et Bettina Strickler, est une évocation tourbillonnante du monde contemporain, ses préoccupations sécuritaires, ses passions et ses modes, le besoin pour chacun d’y trouver une place et d’y communiquer. Traitées sur un mode résolument humoristique, bande-son et chorégraphie offrent aux danseurs un éventail de possibilités et de personnages qui n’est pas sans évoquer l’Actor Studio et ses exigences. L’oreille est entraînée dans un maelström mêlant jazz, variétés et bruitages, auxquels viennent s’adjoindre les voix des interprètes dans un sabir où l’on retrouve toutes les langues de la terre. L’oeil est souvent amusé par les nombreuses références à la comédie musicale, au mime, avec quelques passages de pure poésie, notamment pour le travail au sol. « Microphobia reflète notre désir d’analyser tout ce que nous disons et faisons ».

The Human Suite est plus formel. Dans son décor et ses costumes, d’abord, très dépouillés; dans sa musique, ensuite, basée sur la célèbre Sonate du Diable de Giuseppe Tartini (1692, 1770) que vient à peine ponctuer une chanson de Johnny Cash. La chorégraphie de Stephen Petronio met en avant le talent et la technique accomplie des danseurs, le terme de Suite faisant écho aux formes musicales en vigueur aux XVIIe et XVIIIe siècles en proposant un « thème et variations » riche d’évocations et réellement fascinant malgré son érudition et l’attention qu’il réclame chez le spectateur.

« Dans le futur, prophétise Celeste Dankerer, il y aura davantage de chorégraphes intéressés à travailler avec des danseurs physiquement différents, comme les compositeurs écrivent de la musique pour une variété d’instruments »…

Jacques Vernes, janvier 2005

Quelques chorégraphies de Candoco ainsi que le programme des tournées sont disponibles sur le site internet de la compagnie.

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