Didier Poissant est ouvrier en conditionnement au Centre d’Aide par le Travail Yvonne Wendling, à Issy les Moulineaux (Hauts de Seine). Durant l’année 2003, un atelier de peinture a été mis en place dans le cadre des activités de soutien. Mais avant cela, Didier Poissant peignait déjà, depuis de nombreuses années, incité par son père ébéniste, désormais retraité mais toujours enthousiaste quand il regarde le travail de son fils auquel il a transmis son goût du beau. Didier vit chez ses parents, dans un appartement indépendant, il peint dans ses moments de liberté. Les murs de la maison familiale sont couverts des travaux de ce fils extraordinaire, auxquels il faut ajouter de la poterie et surtout des mosaïques que l’on aimerait voir exposées.

Ce qui caractérise les oeuvres de Didier Poissant, c’est une capacité à transposer ou adapter un objet du réel et la vibration naturelle, quasiment innée, qu’il sait trouver entre les couleurs. Il part généralement d’objets, de livres, d’images qu’il découvre ou qu’on lui propose. Son Samouraï en témoigne : dans ce déferlement de couleur, il demeure bien une jambe ou un arc, mais c’est surtout la puissance évocatrice de l’artiste qui nous montre sa perception d’un personnage devenu mythique. « J’apporte des livres, précise Valerie Eguchi, dirigeante de Pigments et Arts du Monde qui accueille Didier chaque samedi, je les lui montre, il se lance. Il fait son dessin au crayon, puis peint ». Son dessin est structuré, net, il y rarement du repentir.

Coté technique, Didier dessine à l’encre de Chine, peint à la gouache, à l’acrylique ou aux pigments liés à l’oeuf (tempera) afin d’éviter l’emploi de solvants qui pourraient présenter un danger potentiel pour lui. Il peint sur papier, bois, carton, toile, et travaille essentiellement sur de petits formats. Il a produit quelques grandes oeuvres, esquisse d’un travail qui se rapproche du pop-art : l’artiste glisse un mot, une expression (« spam », « save ») qui l’ont marqué et les place au centre de sa création, nourrie de ce qu’il voit. Valérie Eguchi, qui a supervisé l’exposition d’Issy les Moulineaux, explique : « On lui propose des formats atypiques, il sait occuper l’espace ». Le travail de Didier Poissant reste à découvrir : mis à part un galeriste parisien spécialisé dans l’art brut qui en a apprécié l’authenticité, et un atelier de fabrication de vitrail qui s’est dit très intéressé par ses créations, aucun « spécialiste » ne l’a vu.

Telle est, comme souvent en pareil cas, la principale limite actuelle au statut d’artiste de Didier Poissant : son travail a-t-il une valeur marchande ? On sait qu’un artiste est reconnu, « côté », quand il vend ses oeuvres. Mais dans le milieu du handicap, on lui dit qu’il ne faut pas vendre, le sujet est tabou : « Nous rencontrons beaucoup de résistance de la part des institutions dans notre choix de faire un accompagnement personnalisé, constate Valerie Eguchi. Nous pensons à l’avenir ne pas exposer dans un cadre ‘handicap’ car nous estimons que le talent de Didier mérite plus que ce qu’on lui accorde. A partir de cette exposition, il serait peut- être bon de rebondir sur le sujet : le droit de l’artiste porteur de handicap à être un individu »…

Laurent Lejard, avril 2005

Le site internet de Didier Poissant présente une sélection de ses oeuvres.

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