Intitulée « Richard Wagner, visions d’artistes d’Auguste Renoir à Anselm Kiefer », la nouvelle exposition proposée par le Musée de la musique (Cité de la Musique à Paris) rassemble des oeuvres picturales, pour la plupart, inspirées par l’univers du célèbre compositeur allemand (1813-1883). Un univers peuplé de personnages fantastiques, ancrés dans une mythologie germanique constituée de guerriers valeureux, de dieux trop humains et d’hommes déifiés. Mythologie sur laquelle, hélas, le totalitarisme nazi fonda son idéal mortifère de l’homme nouveau. L’oeuvre lyrique de Richard Wagner fut amplement employée à l’exaltation de cette idéologie, avec la complicité de la belle-fille du compositeur, Winifried, membre du parti national-socialiste et amie de longue date d’Adolf Hitler. Cette utilisation politique de la musique, accomplie plus de 50 ans après la mort du compositeur, pèse encore aujourd’hui sur la perception du public, et également sur la fascination que les artistes ont éprouvée et traduite dans leurs créations. C’est ce dernier aspect qui est développé dans l’exposition qui ouvre au public le 25 octobre 2007 pour s’achever le 20 janvier 2008.

« Il n’y a guère d’autres musiciens qui se prêtent à cette approche totale, estime Éric de Visscher, directeur du Musée de la musique et Commissaire associé de l’exposition. Parce qu’il a suscité engouement, attrait et passion, bien au-delà de son vivant, et avec une permanence qui conduit jusqu’à nos jours ». Peintures, dessins, films, vidéos, enregistrements discographiques, les dix opéras de Richard Wagner sont au centre d’un foisonnement créatif signé Pierre Auguste Renoir, Henri Fantin-Latour, Fernand Khnopff, Odilon Redon, Arnold Böcklin, Koloman Moser, Bill Viola, Anselm Kiefer, etc. « Ces oeuvres témoignent des contradictions fécondes et de la relation avec les arts dans les débuts du XXe siècle, poursuit Éric de Visscher. Chez Wagner, la musique mène la danse dans cet art total ».

Une exposition largement mise en accessibilité pour les publics handicapés, une première à la Cité de la Musique, sous la supervision de Caroline Jules, en charge de ces publics sur un poste pérenne depuis un an. La proximité avec la Cité des Sciences et de l’Industrie, installée de l’autre côté du Parc de La Villette, lui a facilité la tâche; elle a pu s’appuyer sur leurs réalisations.

Diverses actions vont aider les visiteurs handicapés. Dépourvues de sièges, les salles d’exposition temporaires accessibles par ascenseur sont désormais dotées d’assises groupées autour des piliers; entre elles sont rangées les fiches de salles qui comportent notamment les résumés en grands caractères des livrets d’opéras. Des sièges-cannes à quatre pieds, légers et stables, sont prêtés à la demande. L’éclairage est conforme à la norme des 100 lux, sauf dans la salle des dessins pour des raisons évidentes de conservation des oeuvres. Les cartels sont placés à une hauteur accessible aux personnes en fauteuil roulant ou de petite taille, et rédigés en grands caractères, plusieurs solutions ayant été testées par des déficients visuels.

Une dizaine d’oeuvres (soit le dixième de l’ensemble) sont proposées en planche relief et en audio-description : un conférencier assurera aux groupes les commentaires utiles à la compréhension des planches, les individuels disposant d’un audioguide élaboré avec une descriptrice d’images. « On a fait tester l’audio-description », précise Caroline Jules. Des boucles magnétiques sont fournies pour que les malentendants appareillés puissent utiliser l’audioguide, qui laisse au visiteur le choix de l’ambiance musicale. Des visites en lecture labiale sont organisées pour les groupes. « On a pris contact avec des sourds profonds pour voir ce que l’on peut faire, complète Caroline Jules. La Cité de la Musique avait d’ailleurs organisé un colloque Musique et Surdité en 2005, qui montre que ça peut fonctionner. C’est une réflexion à long terme, parce que si certains sourds rejettent la musique, d’autres s’y intéressent ». Les personnes handicapées mentales sont conviées à des visites atelier autour du rapport entre tableaux et musique : « L’idée est de projeter des tableaux et de créer des sons en lien avec le ressenti des tableaux (gaieté, tristesse, violence, douceur), le rapport entre image et émotions. Les participants choisiront l’instrument qu’ils veulent, en liaison avec les éducateurs ou des instruments adaptés ». Un dossier pédagogique consultable à la médiathèque présente l’influence wagnérienne parmi les musiciens, et des oeuvres discographiques ou vidéos sont disponibles.

La mise en accessibilité de cette exposition est le prélude à la création de supports accessibles aux aveugles dans la collection permanente du musée et à d’autres adaptations. Un musée et une Cité qui affichent clairement leur volonté de mieux accueillir les publics handicapés.

Laurent Lejard, octobre 2007.


Richard Wagner visions d’artistes d’Auguste Renoir à Anselm Kiefer. Du 25 octobre 2007 au 20 janvier 2008, Musée de la Cité de la Musique 221 avenue Jean Jaurès 75019 Paris. Tél. 01 44 84 45 00. Visites ateliers pour déficients visuels, intellectuels, auditifs, moteurs; programme détaillé et réservations par mél ou au 01 44 84 46 13. L’exposition est complétée par un programme de concerts et de projection de films avec orchestre sans adaptation particulière (accessibilité fauteuil roulant). Attention, la toute nouvelle bande podotactile créée à la sortie de la station de métro Porte de Pantin conduit à la Grande Halle de La Villette, éloignée d’une Cité de la Musique pour laquelle ce guidage podotactile reste à créer…

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