Michel Dérosier dessine et peint beaucoup, depuis plus de 30 ans : « C’était un besoin. Quand j’étais môme, je recopiais des couvertures de revues que je traitais à ma façon. Au début, je faisais des petits personnages en équilibre dans des décors très grands. Il y a 20 ans, je représentais tous mes personnages avec des têtes rondes, regardant le public ». C’est un peu de lui-même qu’il représentait en équilibriste dans de vastes décors. Autodidacte, il a simplement appris le dessin industriel, qui lui a fait acquérir rigueur et goût de la propreté.

Michel Dérosier a travaillé à la mairie de Viroflay (Hauts-de-Seine) durant 25 ans, chargé de l’intendance alimentaire pour les cantines, le portage de repas, les réceptions. « J’ai fini par craquer, je subissais trop de pression. Mais il m’arrivait de peindre avant de partir au travail, ou tard le soir ». S’il est parvenu à surmonter sa dépression, il n’a toutefois pu retravailler. La peinture est devenue à la fois un média de son équilibre intérieur, et une activité presque à plein temps. Elle contribue à traiter la fragilité psychique avec laquelle il vit depuis une quinzaine d’années.

Michel Dérosier a appris à pratiquer en amateur la photographie, installant un laboratoire chez lui, maîtrisant la prise de vue et les techniques de tirage en noir et blanc. Avec un sentiment d’être parvenu rapidement au bout de ce qu’il pouvait exprimer. C’est donc à la peinture et au dessin qu’il s’est définitivement consacré, travaillant la gouache sur papier en grand format durant quelques années, poursuivant sur contreplaqué, jusqu’à peindre sur aggloméré des tableaux dépassant le mètre, en acrylique cette fois. « Je suis allé jusqu’à réaliser un décor de banquet, une longue fresque de 10 m sur 4 qui s’est ensuite baladée dans des centres culturels. À l’époque, j’étais mal à l’aise avec l’aspect peau de tambour de la toile ». Depuis, il a apprivoisé la toile qu’il traite en acrylique semi-liquide. « Quand je peins, je campe un décor, puis j’y place des personnages. Il n’y a pas de repentir possible ». Il privilégie les fonds bleus : « c’est naturel, ça représente le calme ».

Outil de son équilibre personnel, la peinture de Michel Dérosier est exposée en dehors du circuit particulier de l’arthérapie, même s’il participe parfois à des salons particuliers tel celui que l’Oeuvre Falret avait organisé en décembre 2009 à la mairie du 15e arrondissement de Paris. « Je participe à des salons amateurs ou professionnels, de région parisienne ou d’ailleurs, pour avoir le contact avec le public. Mais j’aimerais bien être pris en main, parce que je n’ai pas l’esprit vendeur ». Un problème qui réfrène quelque peu son envie de montrer fréquemment son travail, parce qu’exposer représente un budget. « Les artistes paient leur emplacement, sans être sûrs de vendre. Je réfléchis avant, du fait de l’argent que ça représente ». La retraite pour invalidité que perçoit Michel Dérosier limite ses possibilités, mais sa créativité n’attend que l’oeil du visiteur pour le faire voguer au gré d’un doux imaginaire.

Laurent Lejard, mars 2010.

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